CHINE AFRIQUE

POUR DES RELATIONS RESPECTUEUSES, AMICALES, FRANCHES ET FRATERNELLES

mardi 7 août 2012

Le coup de frein chinois menace les géants miniers

Le coup de frein chinois menace les géants miniers
LE MONDE | • Mis à jour le
L'agrandissement de la mine de fer de Port Hedland, à l'ouest de l'Australie, pourrait être remis en cause par BHP Billiton.
L'agrandissement de la mine de fer de Port Hedland, à l'ouest de l'Australie, pourrait être remis en cause par BHP Billiton. | REUTERS/HO

L'industrie minière va mal. Oubliés les beaux jours de 2011 où elle croyait la crise terminée ! La production de minerai de fer, matière première la plus échangée après le pétrole, avait battu un record historique et s'était hissée au-delà de ses performances d'avant-crise, à 1,9 milliard de tonnes.

C'est fini : les produits de base industriels connaissent un fort coup de frein et leurs prix dégringolent, comme le prouve la descente inexorable de l'index Bloomberg pour les métaux, tombé en un an de l'indice 267 à 190.
"La faute à la Chine", diagnostiquent mineurs, analystes, négociants, transporteurs et autres protagonistes du monde des minéraux. C'est vrai que l'empire du Milieu décélère : sa croissance a atteint 9,2 % l'an dernier et aurait ralenti à 7,6 % en juin 2012. Cette cadence - à faire rêver les Occidentaux en pleine déprime - représente un fort ralentissement qui affecte le monde entier. La contagion au reste du monde se transmet par le canal des matières premières. Lorsque Pékin dégonfle sa bulle immobilière en élevant les taux d'emprunt, non seulement il ralentit la construction, mais aussi la production d'acier qui est destinée à celle-ci pour 60 %.
CHUTE DES PRIX
Quand la hausse annuelle de sa production d'acier tombe de 10 % à 0 comme en ce moment, il est moins nécessaire pour la Chine d'importer du minerai de fer, dont elle s'adjuge 60 % du tonnage mondial, et ses fournisseurs souffrent de la chute des prix et des recettes qui en résultent.
 "Ceux-ci ont longtemps pensé qu'il leur suffisait d'absorber le choc, en attendant que la locomotive chinoise reparte, analyse Guillaume Perret, directeur de la société d'analyse Perret Associates à Londres. Depuis juin, ils ont changé de stratégie et prennent des mesures de réduction des capacités et des coûts, notamment de personnel."
C'est en Australie, dont la proximité et les formidables réserves minérales en font le principal fournisseur de la Chine, que les conséquences se font le plus sentir.
Le premier mineur mondial, l'anglo-australien BHP Billiton, étudie quels projets repousser à des jours meilleurs dans sa liste d'investissements de 27 milliards de dollars (21,8 milliards d'euros) d'ici à 2014. La création d'un avant-port à Port Hedland, sur la côte ouest de l'Australie ? L'extension de sa mine géante de Pilbara, dans le nord-ouest du pays ?
Son challenger, Rio Tinto, licencie du personnel administratif à Melbourne. Anglo American diffère les investissements prévus au Brésil pour le projet Minas Rio. Partout, on cherche à réduire les coûts pour préserver des bénéfices impressionnants : 23 milliards de dollars pour BHP et 22 milliards pour le brésilien Vale, en 2011.
En Afrique, on s'inquiète, car le continent est très dépendant des appétits de Pékin. "La Chine s'adjuge 40 % des exportations de minerais de l'Afrique subsaharienne, rappelle Jean-Raphaël Chaponnière, chercheur invité de l'organisme de recherche Asia Centre. Un pays comme la Zambie, qui n'a pas su profiter des années de vaches grasses pour sortir de la monoculture du cuivre, risque de souffrir."
LES SIDÉRURGISTES EUROPÉENS SE FROTTENT LES MAINS
Toujours en discussion, le projet chinois de créer à Belinga, au Gabon, une mine de fer et de manganèse pour 3 milliards d'euros devrait être une nouvelle fois reporté avec son autoroute, son port en eaux profondes, sa voie ferrée de 500 kilomètres, son barrage hydroélectrique et son usine de traitement susceptibles d'entraîner la création de 30 000 emplois pérennes.
Les seuls à se frotter les mains de la chute des cours des matières premières sont les sidérurgistes européens. "Nous nous en réjouissons, commente Gordon Moffat, directeur général de l'association Eurofer, qui représente les industriels de la sidérurgie à Bruxelles. Peut-être que cette baisse incitera les entreprises minières à revenir à notre vieux système de contrats annuels." Depuis trois ans, ces contrats avaient été abandonnés au profit d'une réévaluation permanente par les mastodontes BHP, Vale et Rio Tinto, désireux de profiter de la forte hausse des prix sur le marché au comptant.
Et si le ralentissement chinois cachait une manoeuvre pour obliger les mineurs à revenir à ce système plus stable de prix, que Pékin avait dû abandonner face à l'oligopole des trois mastodontes ? "Quand les prix montent trop à leur goût, les Chinois stoppent les importations et utilisent leurs propres réserves en attendant que les prix baissent", souligne Michèle Assouline, PDG de Sparkling Capital.
"La Chine s'est dotée d'instruments pour peser sur les marchés et jouer de la conjoncture afin d'influencer les marchés dans le sens de ses intérêts, renchérit Joël Ruet, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), associé à l'Iddri-Sciences Po. Aujourd'hui, elle a une occasion en or pour faire sentir son pouvoir au cartel qui lui avait imposé sa loi en 2009. Pour contrer les investissements de celui-ci, elle n'a pas hésité à maintenir en fonctionnement des vieilles mines déficitaires."
Si cette hypothèse stratégique est la bonne, cela signifie que les marchés des minerais ne devraient pas continuer longtemps leur chute. La croissance de la Chine pourrait repartir de l'avant "dès qu'elle connaîtra le nom de ses nouveaux dirigeants, en octobre", prédit M. Ruet. A ce signal, " les entreprises minières réactiveront leurs projets, selon M. Perret, grâce à leurs montagnes de liquidités".
Par ailleurs, l'Inde, en mal d'électricité et de fer, tout comme l'Indonésie, en pleine croissance, sont en passe de détrôner la Chine de sa place d'importateur omnipotent.
Zambie : des mineurs responsables de la mort d'un directeur chinois de Collum Coal
Wu Shengzai, l'un des responsables de la mine de Collum Coal, située à Sinazongwe en Zambie, a été tué par des mineurs en colère, dimanche 5 août. Un de ses collègues chinois a été blessé. Des émeutes avaient éclaté en raison du retard dans la mise en place d'un salaire minimum.
Ce n'est pas la première fois que des incidents se produisent avec les dirigeants chinois de cette mine, dont le mode de gestion semble peu respectueux des conditions de travail. En 2010, deux responsables chinois de la mine de Collum Coal avaient été inculpés pour avoir tiré sur des manifestants, faisant onze blessés. Un sentiment antichinois se développe en Zambie, car l'arrivée de produits chinois bon marché a contraint certains artisans locaux à cesser leur activité. Mais les gouvernements zambiens successifs hésitent à durcir les contrôles sur les entreprises à capitaux chinois, car elles sont créatrices d'emplois et rapportent des devises à travers l'exportation de cuivre et de cobalt. Selon le ministère des finances chinois, la Zambie était, en 2010, le troisième pays d'Afrique subsaharienne destinataire des investissements chinois, avec 944 millions de dollars (763 millions d'euros), derrière l'Afrique du Sud (4,1 milliards) et le Nigeria (1,2 milliard).

Aucun commentaire: