Pierre Haski | Cofondateur
» Chinafrique » : le mot restera, par analogie avec notre célèbre « Françafrique » . Les journalistes Michel Beuret et Serge Michel, bien aidés par les photographies de Paolo Woods, ont sillonné treize pays africains à la rencontre des Chinois qui, ces dernières années, ont massivement investi le continent et changé la donne géopolitique.
La montée en puissance de la présence de Pékin en Afrique a suscité pas mal de fantasmes ces dernières années, et ce livre permet de remettre quelques éléments à leur place. Les auteurs racontent des histoires de Chinois en Afrique, tant celles qui relèvent de la stratégie d’Etat, en quête d’accès aux matières premières qui manquent à la Chine, que les itinéraires personnels de ces hommes partis dans des pays dont ils ignoraient l’existence, dont ils n’apprécient guère les mœurs et encore moins la nourriture, mais où ils trouvent fortune ou au moins les moyens de leur survie.
Pour autant, pas de rouleau compresseur invincible. Les auteurs envisagent même qu’ » un échec de la Chine en Afrique n’est pas exclu » .
Au-delà des anecdotes, parfois savoureuses, l’aspect le plus passionnant de ce livre tient peut-être à ce qu’il dit des autres partenaires de l’Afrique, à commencer par la France.
En écho à ces propos de Marie-Louise Bibish Mumbu, l’apparition de quartiers africains dans certaines grandes métropoles chinoises est le pendant de cette déferlante chinoise sur le continent noir. On lira avec intérêt le regard d’un média chinois (traduit en anglais) sur la « ville chocolat », nom par lequel les chauffeurs de taxi de Canton désignent le quartier africain de leur ville : les Africains y expriment leur admiration pour la vie en Chine, par comparaison avec leurs pays d’origine.
Laurent Védrine s’était donné pour ambition « de dévoiler un moment charnière dans l’histoire du continent : le basculement d’une relation sclérosée nord-sud à une relation “sud-sud‘, pleine de promesses économiques mais aussi pleine de dangers’. C’est également le propos des auteurs de ‘Chinafrique’, qui montrent bien à quel point les entreprises chinoises ont investi des domaines dont les anciennes puissances coloniales se sont retirées, et en particulier le secteur des infrastructures dont le continent a tant besoin, mais aussi ses risques : un nouvel endettement, une nouvelle dépendance, voire même une relation néocoloniale pas très différente des autres.
Le plus étonnant, ce sont finalement les parcours individuels qui tracent ce portrait de groupe des quelques centaines de milliers de Chinois désormais installés sur le continent. Du Nigeria au Soudan en passant par l’Angola et le Sénégal, on y croise des entrepreneurs audacieux (comme le promoteur immobilier au Nigeria qui offre la photo de couverture du livre et qui figure en tête de cet article) et des ouvriers acharnés au travail (voir l’autre photo ci-dessus) ou encore cette barmaid de Niamey dont le réseau couvre autant les rebelles touaregs que les allés du pouvoir nigérien…
L’irruption de la Chine change assurément la donne géopolitique, économique et humaine en Afrique. Il était temps que des travaux un peu plus fouillés soient consacrés à ce phénomène d’ampleur historique : la naissance de la ‘Chinafrique’, pour le meilleur, ou pour le pire.
► Chinafrique De Michel Beuret, Serge Michel, avec les photographies de Paolo Woods - éd. Grasset - 19,50€.
► Kinshasa Beijing Story Réalisateur : Laurent Védrine - Production : la Générale de Production - Jérémy Pouilloux - Diffusion : CFI/Planète/RTBF courant 2008.
La montée en puissance de la présence de Pékin en Afrique a suscité pas mal de fantasmes ces dernières années, et ce livre permet de remettre quelques éléments à leur place. Les auteurs racontent des histoires de Chinois en Afrique, tant celles qui relèvent de la stratégie d’Etat, en quête d’accès aux matières premières qui manquent à la Chine, que les itinéraires personnels de ces hommes partis dans des pays dont ils ignoraient l’existence, dont ils n’apprécient guère les mœurs et encore moins la nourriture, mais où ils trouvent fortune ou au moins les moyens de leur survie.
Pour autant, pas de rouleau compresseur invincible. Les auteurs envisagent même qu’ » un échec de la Chine en Afrique n’est pas exclu » .
« Pour nous qui avons parcouru l’Afrique chinoise en tous sens, le seul véritable échec de la Chine, s’il faut en voir un, c’est peut-être qu’elle se banalise en Afrique après avoir incarné un partenaire providentiel et fraternel, capable de tous les miracles. A certains égards, elle commence à ressembler aux autres acteurs, avec ses cohortes de gardes de sécurité, ses chantiers qui s’enlisent et ses scandales de corruption. »Les relations amoureuses de l’Afrique avec ses prétendants
Au-delà des anecdotes, parfois savoureuses, l’aspect le plus passionnant de ce livre tient peut-être à ce qu’il dit des autres partenaires de l’Afrique, à commencer par la France.
« Tout se passe comme si Paris, enfermé dans sa vision paternaliste et condescendante d’ancien colon, n’a pas été capable de voir que l’Afrique était en train de changer, de s’enrichir grâce au prix des matières premières, et se retire au moment précis où Pékin s’engage. »Dans un autre travail, complémentaire de celui-ci, un documentaire réalisé par Laurent Védrine, « Kinshasa-Beijing Story » , tourné en mars dernier en République démocratique du Congo, Marie-Louise Bibish Mumbu, écrivain et dramaturge congolaise, parle joliment des relations amoureuses de l’Afrique avec ses prétendants, l’Occident et la Chine. Pour voir un extrait (avec l’aimable autorisation de Laurent Védrine et de la Générale de Production), cliquez ci-dessous.
Laurent Védrine s’était donné pour ambition « de dévoiler un moment charnière dans l’histoire du continent : le basculement d’une relation sclérosée nord-sud à une relation “sud-sud‘, pleine de promesses économiques mais aussi pleine de dangers’. C’est également le propos des auteurs de ‘Chinafrique’, qui montrent bien à quel point les entreprises chinoises ont investi des domaines dont les anciennes puissances coloniales se sont retirées, et en particulier le secteur des infrastructures dont le continent a tant besoin, mais aussi ses risques : un nouvel endettement, une nouvelle dépendance, voire même une relation néocoloniale pas très différente des autres.
Le plus étonnant, ce sont finalement les parcours individuels qui tracent ce portrait de groupe des quelques centaines de milliers de Chinois désormais installés sur le continent. Du Nigeria au Soudan en passant par l’Angola et le Sénégal, on y croise des entrepreneurs audacieux (comme le promoteur immobilier au Nigeria qui offre la photo de couverture du livre et qui figure en tête de cet article) et des ouvriers acharnés au travail (voir l’autre photo ci-dessus) ou encore cette barmaid de Niamey dont le réseau couvre autant les rebelles touaregs que les allés du pouvoir nigérien…
L’irruption de la Chine change assurément la donne géopolitique, économique et humaine en Afrique. Il était temps que des travaux un peu plus fouillés soient consacrés à ce phénomène d’ampleur historique : la naissance de la ‘Chinafrique’, pour le meilleur, ou pour le pire.
► Kinshasa Beijing Story Réalisateur : Laurent Védrine - Production : la Générale de Production - Jérémy Pouilloux - Diffusion : CFI/Planète/RTBF courant 2008.
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