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samedi 25 décembre 2010

Toubabou à Bamako: Le grand bond en avant des Chinois au Mali

Toubabou à Bamako: Le grand bond en avant des Chinois au Mali: "Le Mali se prépare-t-il, accompagné par la Chine, pour le grand bond en avant ? Difficile en effet d’ignorer les marques de passage du président chinois Hu Jintao il y a deux semaines (le 13 février très exactement). Les grandes et nombreuses affiches vantant les réalisations chinoises au Mali depuis son indépendance veulent marquer les esprits et tendent à montrer que l’essentiel des réalisations de ces dernières années vient de la Chine. Depuis les écoles dans les villes de brousse jusqu’à l’industrie pharmaceutique en passant par les textiles, tout est passé en revue. Il est vrai que, sur financement chinois ou sur financements internationaux, les entreprises chinoises interviennent depuis de longues années.

Chine_mali_4 Mon premier contact africain avec une entreprise chinoise date de 1987 sur un projet de réalisation de forages d’eau. Le montant proposé par l'entreprise chinoise pour réaliser les 120 forages était tel que, finalement, nous avons pu en réaliser 170 (sur financement du Fonds Saoudien de Développement). S'il avait fallu se battre à l’époque pour finir les travaux dans les délais avec un minimum de rigueur, il faut reconnaître qu’aujourd’hui la qualité du travail réalisé par les entreprises chinoises est au niveau des standards européens.

Autre intérêt à cette époque, tout à fait personnel, les interprètes étaient de véritables intellectuels avec lesquels nous pouvions discuter de politique et de littérature. Nous admirions leur culture de la littérature française avec des connaissances parfois étonnantes et des formules quelquefois désuètes venant sans doute de Zola ou de Balzac, ce qui pouvait donner des phrases du genre 'Thierry, il y a belle lurette que nous ne nous sommes pas vus, je t’ai téléphoné hier mais, bernique, tu étais absent'. Nous échangions des cassettes de Barbara et de Brel contre des opéras chinois.

Revenons au pont de Sotuba. Il est vrai que les Bamakois attendaient depuis plus d’une dizaine d’années ce troisième pont qui doit leur simplifier la vie. Traverser le fleuve à certaines heures de la journée est un véritable cauchemar. La chaussée de Sotuba, gué naturel sur le Niger, avec une seule voie en circulation alternée offre une route de secours aux véhicules légers lors de l’étiage. Mais la zone industrielle étant en plein centre ville, les gros porteurs sont quand même obligés d’emprunter, avec des contraintes horaires tout de même, des rues non adaptées dans les quartiers bancaires et administratifs causant parfois des embouteillages monstres. La réalisation de ce pont détournerait donc une armada de semi-remorques et de camions citernes.

Combien va coûter ce pont ? Pas moins de 37 milliards de FCFA (soit un peu plus de 56 millions d’euros) d'après la presse malienne, sans doute un des plus gros investissements de la Chine ces dernières années dans la sous-région. Cadeau, en plus, alors que maintenant une partie des pays européens se lancent plutôt vers les prêts, avantageux certes, mais des prêts quand même.

Comment le Bamakois accueille-t-il cette présence chinoise ? D’un côté les optimistes qui voient la Chine réaliser sans états d’âmes ce que les bailleurs de fonds européens acceptent de faire après beaucoup d’interrogations, de conditions et de garde-fous. La Chine est là pour nous aider depuis notre indépendance et les promesses des Chinois ont toujours été suivies de réalisations disent en substances les Bamakois. Pour beaucoup de Maliens les apports de l’Occident ont encore des arrière-pensées colonialistes, il y a forcément un intérêt. Pour Seydou Badian Kouyaté (ministre sous la première république du Mali entre 1960 et 1968) écrivain reconnu et âgé de 83 ans aujourd’hui et considéré par certains comme le plus chinois des Maliens, 'la Chine n’a pas l’ambition d’une puissance mondiale, bien qu’elle en ait les moyens et la force. Les Chinois veulent progresser en toute modestie, sur les deux jambes, par le travail et la rigueur' (casafree actualité, lundi 2 mars 2009). Et ce, même si l’essentiel des travaux du pont de Sotuba sera réalisé par une entreprise chinoise (CGGC) à grand renfort de publicité.

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Moto_3 Pour d’autres, les Chinois représentent quelque chose que l’on peut assimiler non pas à un danger mais une espèce d’invasion. Ils sont présents partout, ils envahissent tous les domaines de la vie publique, de l’industrie et du commerce. Les marchés de chantiers routiers, de constructions d’hôtels sont attribués régulièrement à des entreprises chinoises. On trouve maintenant à Bamako des vendeurs chinois au marché qui prennent presque la place réservée des femmes qui venaient vendre leurs légumes ou les condiments, et ils ont, à l’instar des Maliennes, disposé des points de restauration rapide au bord du trottoir.

Dans certains magasins, difficile de trouver de la papeterie, de la vaisselle, des outils, autres que chinois. Cela continue avec les vêtements et les chaussures, et n’oublions pas les djakartas et les mobylettes-taxis qui commencent à s’implanter. La Chine, qui s’est ouverte à l’économie de marché, cherche à écouler ses produits manufacturés. Un Malien m’a dit, sans complexe, que les hôtels tenus par des Chinois sont plus propres, moins chers, et tu trouves même une télé avec cassette hard quand tu emmènes une copine pour la nuit. Tous les secteurs je vous disais, tous les secteurs.

Depuis des années les Chinois envoient en Afrique des médecins, des agronomes, des architectes… Pourquoi ce succès, sans doute parce que le mode de vie chinois colle mieux avec le système africain. La Chine se considère encore comme un pays en voie de développement et adhère à la réalité malienne, et le Mali le comprend comme ça, qui a envoyé de l’aide en Chine lors du dernier grand séisme, une aide modeste certes, mais une aide au grand frère.

Le dernier point d’intérêt des Chinois au Mali pourrait être l’adduction d’eau de Bamako. Depuis quelques d’années l’actuelle station de pompage ne suffit plus à couvrir les besoins de la ville et le Mali peine à convaincre les bailleurs de fonds étrangers toujours exigeants. Lors de la visite de Hu Jintao, une délégation chinoise est allée visiter le site probable de la future station d'eau potable. Le Mali pourra-t-il convaincre la Chine ? Réponse peut-être quand le chantier du pont sera achevé pour la célébration des 50 ans de l’indépendance du Mali, en septembre 2010.

– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"

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