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samedi 21 juillet 2012

FOCAC : La « Chinafrique » va-t-elle tuer la « Françafrique » ? | ActuDéfense

FOCAC : La « Chinafrique » va-t-elle tuer la « Françafrique » ? | ActuDéfense

FOCAC : La « Chinafrique » va-t-elle tuer la « Françafrique » ?

Ecrit par Romain Mielcarek le 20 juil 2012 à 10:33 Aucun commentaire
Hier s’ouvrait la conférence interministérielle du Forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC). L’occasion pour Pékin de renouveler ses démarches de séduction des Etats africains pour lesquels le géant asiatique devient un partenaire incontournable. Philippe Hugon, chercheur à l’IRIS spécialiste de l’Afrique, répondait ce matin à nos questions pour le site Atlantico.
Romain Mielcarek – Pékin a annoncé jeudi le doublement de ses investissements en Afrique à hauteur de 20 milliards de dollars. La montée en puissance de la « Chinafrique » signifie t-elle la fin des relations privilégiées entre la France et de nombreux États de ce continent ?
Philippe Hugon - Malgré des liens forts avec un certain nombre d’États africains, la France a eu tendance, sur le long terme, à se retirer de ce continent. Le poids des investissements, la présence militaire, tous les indicateurs vont dans ce sens. La France a diversifié ses interventions dans le monde, même si elle a toujours des relations privilégiées, en particulier avec les pays francophones.
A l’inverse de cette dynamique française, des pays émergents, notamment la Chine, mais aussi l’Inde ou le Brésil, arrivent massivement sur le continent africain. On peut voir les Chinois comme des concurrents déloyaux : les questions de corruption, de non-respect des conditions environnementales, peuvent favoriser les groupes chinois face aux groupes français. Des contrats ont certainement été perdu par Bouygues ou Bolloré pour ces raisons. Total doit aussi y faire face. Les groupes de télécommunications s’affrontent aussi, France Télécom devant faire avec une concurrence nouvelle. La diversification des partenaires pour les États africains change la donne. L’intérêt des pays émergents pour les ressources naturelles dont dispose le continent africain favorise forcément la croissance de ce dernier.
Mais en réalité, l’ensemble des investissements chinois a aussi favorisé les activités des entreprises françaises sur place. Il y a peu de domaines où il y a véritablement une concurrence en termes de parts de marché. L’aide française n’est pas liée aux contrats signés par les entreprises tricolores. La présence de ces nouveaux partenaires ne se fait donc pas au détriment des intérêts français.
Romain Mielcarek – Les méthodes et les moyens employés par la Chine pour entretenir ses relations avec l’Afrique sont ils comparables avec ce qui est pratiqué par la France ?
Philippe Hugon - Dans le fond, les relations que la Chine entretient avec l’Afrique ressemble avec ce qui se faisait en France il y a une trentaine d’années : des liens forts dans le champs du politique, une non dissociation des liens public/privé et une importante corruption. Le tout sans être très regardant sur les situations environnementale et sociale.
Aujourd’hui, l’aide française s’est largement multilatéralisée. Elle dépend de nombreuses contraintes européennes. Paris s’appuie de manière croissante sur des ensembles régionaux plutôt que sur des États. Elle travaille beaucoup avec des ONG. La politique d’aide chinoise ne connaît pas tous ces outils et repose uniquement sur des relations d’État à État.
La Chine mélange allègrement ce qu’ils appellent la coopération, les investissements productifs et l’aide à proprement dite.
Romain Mielcarek – L’absence de passé colonial est-elle un avantage ou une faiblesse pour la Chine ?
Philippe Hugon - Un peu les deux. Toute la rhétorique chinoise, c’est de se positionner en pays du Sud, émergent, dénué de passé colonisateur et reposant sur une politique du gagnant-gagnant. Mais pour ces mêmes raisons, en dehors d’une toute petite diaspora chinoise présente notamment à Madagascar et de quelques relations avec des pays au passé communiste comme le Mali ou la Tanzanie, sous Mao, les Chinois connaissent très peu le continent africain.
Les Chinois font face à de gros obstacles. Linguistique d’une part. Les expatriés présents en Afrique viennent majoritairement des campagnes et ne parlent pas anglais. Même chose pour le français que les Chinois cherchent à apprendre dans les Alliances afin de mieux appréhender les pays francophones. Culturellement d’autre part : par méconnaissance des populations locales, les Chinois ont souvent adopté des attitudes perçues comme paternalistes, méprisantes voire racistes.
Romain Mielcarek – La France a-t-elle encore des cartes à jouer dans cette Afrique qui se laisse de plus en plus séduire par la Chine ?
Philippe Hugon - Oui, elle garde des liens privilégiés au travers de la francophonie et bénéficie de connaissances colossales sur les pays du continent. Dans de nombreux pays francophones, on s’interroge parfois plus ce qui se passe en France que sur place, ne serait-ce qu’en ce qui concerne le football, par exemple. Tout cela découle d’une histoire compliquée et perdure, malgré certains complexes.
Les groupes français sont également conscients de l’émergence de classes moyennes en Afrique qui vont représenter des marchés importants. Toutes ces opportunités devraient leur profiter, notamment avec leur connaissance de ces clientèles. Il faut que les produits soient adaptés à la demande. La France a échoué à plusieurs reprises dans ce domaine : Peugeot, par exemple, après avoir dominé il y a une trentaine d’années, a été totalement dépassé par les véhicules low cost produits en Chine ou en Inde.
Romain Mielcarek – La puissance économique de la Chine ne risque t-elle pas justement de noyer les capacités d’investissement de la France ?
Philippe Hugon - Si, effectivement, d’un point de vue public. Mais aujourd’hui, la plupart des investissements français proviennent du secteur privé. Les grandes multinationales françaises ne sont pas confrontées, pour la plupart, à des difficultés économiques. Un groupe comme Total, Bouygues, Bolloré ou France Télécom peuvent encore investir massivement en Afrique et peuvent notamment bénéficier d’un important réseau de PME sous-traitantes tricolores sur place.
Il y a également des projets innovants qui se font sous forme de triangulaires avec des partenaires africains, français et chinois. Total a tout intérêt aujourd’hui à réaliser des joint ventures avec des compagnies chinoises. France Télécom aussi. C’est un moyen de profiter de diversifier l’image de marque, de multiplier les capacités d’alliance, de partager les connaissances et de profiter des capacités d’investissement des banques publiques chinoises

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