Mise à jour le Vendredi, 20 Juillet 2012 22:21
Écrit par Alakagni Hala Samedi, 21 Juillet 2012 00:00
Pour l’économiste de la Bad, la présence chinoise en Afrique peut être évaluée en mesurant les impacts des flux commerciaux et d’investissement, de l’aide et d’autres activités financières d’un point de vue quantitatif et qualitatif. Il note, par exemple, qu’en 2008, le commerce entre la Chine et l’Afrique a atteint un pic de 100 milliards de dollars et les flux d’investissements étrangers (Ide) en Afrique ont augmenté à 5,4 milliards de dollars.Cet engagement significatif et croissant de la Chine a bénéficié à de nombreux pays africains au travers d’un accroissement du volume des exportations vers la Chine, d’une augmentation des recettes commerciales et de nouvelles opportunités d’investissement dans les secteurs liés aux infrastructures.
L’éminent économiste note, cependant, qu’en dépit de leur accroissement, les activités économiques chinoises en Afrique restent déséquilibrées en raison de la forte concentration des structures commerciales et des flux d’investissement chinois. En l’occurrence, 70% des exportations de l’Afrique vers la Chine sont dominées par les matières premières –le pétrole, le cuivre, le cobalt et le coton - et proviennent de pays riches en ressources minières tels que l’Angola, l’Afrique du Sud, le Soudan et la Rdc.
Il convient néanmoins, observe-t-il, de noter que grâce aux investissements dans les projets d’infrastructure et à la création de zones économiques spéciales, la Chine apporte son soutien à l’industrialisation et la diversification économique dans de nombreux pays africains. Par ailleurs, les biens de consommation chinois, qui sont souvent plus abordables que les produits importés d’Europe, des Etats-Unis, du Japon et d’autres pays en développement, ont bénéficié à de nombreux ménages pauvres en Afrique. Ce qui a contribué à l’augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs. Et, de ce fait, ont un impact positif sur la pauvreté dans le continent africain.
La contribution de la Chine au réapprovisionnement du Fonds africain de développement (Fad) du groupe de la Bad est une autre voie par laquelle elle apporte son soutien au développement et aux efforts de réduction de la pauvreté en l’Afrique.
Pour Mthuli Ncube, l’étendue de la présence chinoise en Afrique ne doit donc pas être sous-estimée. Le volume du commerce Chine-Afrique (100 milliards de dollars en 2008), les flux de portefeuille et d’investissements directs ainsi que les investissements dans les projets d’infrastructure en provenance de la Chine et à destination de l’Afrique sont considérables. En 2008, les flux d’Ide s’élevaient notamment à 875 millions de dollars et les investissements de portefeuille à 7,8 milliards de dollars, tandis qu’en 2009, le total des engagements chinois dans des projets d’infrastructures s’établissait à plus de 38,4 milliards de dollars.
Stratégie d’investissement
Sur la stratégie d’investissement et de financement des Chinois en Afrique, le Chief economist de la Bad fait remarquer que leurs activités financières sur le continent africain consistent principalement en l’octroi de crédits à l’exportation et de subventions de la part des entreprises d’État chinoises, l’utilisation de prêts concessionnels ainsi que d’une aide financière aux gouvernements africains. Les entreprises d’État chinoises financent, en outre, les projets en Afrique par le biais de la Banque chinoise d’import-export (Eximbank). Celle-ci fournit 90% de ses crédits d’exportation à des entreprises chinoises et à leurs clients étrangers. Elle gère également les prêts concessionnels du gouvernement chinois aux gouvernements étrangers. Cette institution, dit Mthuli Ncube, poursuit la stratégie «go global» de la Chine ainsi que sa stratégie africaine dont les objectifs clés sont l’extraction de ressources naturelles, l’expansion des échanges commerciaux et financiers avec les pays africains et la promotion des sociétés chinoises en Afrique.
La Chine poursuit également une stratégie d’investissement et de finance au travers du «package financial mode », qui est octroyé par le ministère du Commerce et d’Eximbank. Ce package combine des prêts concessionnels, des crédits aux vendeurs et aux acheteurs ainsi que des garanties bancaires à l’appui de grands projets d’infrastructures en Afrique.
En dépit du manque de données statistiques précises sur l’engagement financier de la Chine en Afrique, M. Ncube estime que l’aide de ce pays au développement s’élevait à hauteur de 2,5 milliards de dollars en 2009, et que les prêts approuvés par Eximbank se sont établis à plus de 100 milliards pour le financement de plus de 300 projets en Afrique. La création du Fonds de développement Chine-Afrique en 2007 a favorisé les placements d’actions chinoises dans des projets des secteurs des infrastructures, de l’agriculture et de l’industrie en Afrique. En termes de collaborations, Eximbank et le gouvernement chinois coopèrent de plus en plus avec les organisations financières internationales telles que la Banque mondiale, le Fmi et la Banque africaine de développement.
Coûts, durée et garantie
«Les informations sur les conditions de prêt des investissements de la Chine à l’étranger sont incomplètes», constate l’économiste. Pour lui, il est difficile de déterminer, avec précision, les coûts réels, la durée et la valeur des garanties associées aux investissements de la Chine en Afrique. Cela est lié à la variété des flux financiers chinois (prêts concessionnels, crédits, prêts sans intérêt, allègement de la dette, subventions et assistance technique) et le large éventail des ministères et organismes (23) impliqués dans l’administration des fonds et des projets.
Ce dont Mthuli Ncube dit être certain, c’est que la plupart des prêts concessionnels et des crédits octroyés par la Chine sont directement accordés à des entreprises chinoises qui financent des projets et/ou des contrats en Afrique. Leurs taux d’intérêt sont déterminés à partir des taux internationaux de marché (Libor) et remboursables sur une période de 10 à 20 ans.
Adaptation aux contraintes locales
La stratégie de la Chine d’investir dans le secteur de l’énergie et dans de grands projets d’infrastructure, sa politique étrangère de non-ingérence dans les affaires des gouvernements africains et sa pratique qui consiste à traiter les affaires d’abord, lui ont permis de faire ses marques en Afrique et de mieux s’adapter à certaines contraintes locales. Notamment, les problématiques liés à la bonne gouvernance et à l’environnement des affaires.
Faut-il le noter, la Chine relègue au second plan les risques politiques et les préoccupations de financement, au risque de faire face à la critique internationale. A ce sujet, selon l’économiste de la Bad, les entreprises chinoises étant prêtes à payer des pots-de-vin.
Comparaison
Pour l’expert de la Bad, la coopération chinoise et celle des pays occidentaux visent, toutes les deux, à favoriser le développement économique en Afrique au travers du tissage de liens politiques, économiques, sociaux et culturels plus étroits avec les pays africains, tout en assurant la stabilité politique et la sécurité. Le boom économique de la Chine ainsi que la forte croissance de sa demande de pétrole ainsi que d’autres ressources naturelles sont des facteurs clés qui l’encouragent à s’engager davantage avec les pays africains dans les domaines du commerce, de l’agriculture, de la construction d’infrastructures et des mines. L’élargissement du champ de coopération Chine-Afrique, notamment à la banque, au tourisme, à l’aviation civile et à la protection de l’environnement et partant, l’adoption d’une approche multidimensionnelle de la coopération devrait contribuer au développement de l’Afrique.
Concurrence entre la France, les USA et la Chine…
La coopération et l’engagement de la Chine en Afrique ont pris de l’ampleur ces dernières années, éveillant préoccupations et scepticisme dans les milieux européens et américains, observe l’économiste. La principale source d’inquiétude pour ces pays serait de voir la Chine devenir le partenaire de développement préféré de l’Afrique et d’assister, par conséquent, à la réduction de leur influence dans les affaires africaines. Pour sa part, M. Ncube voit plutôt cette soi-disant «concurrence» comme une opportunité pour l’Afrique, qui dispose désormais de nouveaux marchés offrant des perspectives attrayantes en termes d’échanges commerciaux et de flux d’investissements, ainsi que de nouveaux partenaires émergents qui sont un complément à la coopération que les pays africains entretiennent avec leurs partenaires traditionnels au développement.
Investissements chinois et programmes Fmi, Banque mondiale, bad
Les projets de développement des infrastructures, les programmes d’énergie verte, la transformation agricole et le partage des connaissances sont autant de programmes mis en œuvre par les bailleurs de fonds internationaux auxquels les investissements chinois pourraient être intégrés. La Chine pourrait également coopérer avec des institutions financières internationales telles que la Banque africaine de développement, en canalisant son aide au travers de ladite Banque ou en s’engageant dans des joint-ventures et/ou dans le co-financement de projets d’infrastructure et du secteur privé. Telle est la position de l’expert de la Bad. Il fait remarquer que l’institution financière a d’ores et déjà signé deux protocoles d’entente avec Eximbank Inde et avec la Banque chinoise de développement. Le but est d’optimiser ses avantages comparatifs et ceux de la Chine ainsi que les instruments financiers utilisés afin de favoriser le développement de l’Afrique.
Transfert de technologies…
Les zones économiques spéciales chinoises en Afrique, selon le chief economist de la Bad, constituent un faisceau d’opportunités pour les pays africains. Tout d’abord, en termes de capital, au travers des investissements chinois dans le développement et la mise en œuvre de ces zones, ensuite parce qu’elles occasionnent des transferts de connaissances. Les pays africains bénéficient d’effets d’apprentissage qui découlent de l’expérience et de l’expertise de la Chine dans le développement et la gestion de ces zones économiques spéciales. Finalement, ces dernières ont également des effets majeurs sur l’’industrialisation, la diversification ainsi que la compétitivité aux plans international et régional des pays africains qui les hébergent, explique-t-il.
De la présentation qu’il en fait, il apparaît que leur objectif principal est de stimuler l’agglomération d’activités économiques nouvelles dans un domaine particulier - la plupart du temps dans les zones rurales -par le développement d’infrastructures et autres. Cela permet de créer un environnement favorable aux investissements étrangers ainsi qu’à la compétitivité du secteur manufacturier. Ces zones, ajoute-t-il, cherchent à atteindre cet objectif en apportant leur contribution à la diversification de la production et l’exportation de biens manufacturés. Ce qui revient, en définitive, à promouvoir la transformation industrielle des économies africaines, dit-il.
En conclusion, Mthuli Ncube voudrait qu’on retienne que la Chine est l’un des nouveaux partenaires émergents de l’Afrique. Les autres sont, notamment, l’Inde, le Brésil, la Turquie, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud et la Russie. Ils contribuent à l’apport de flux d’Ide, à l’activité commerciale et au partage des connaissances. Tout cela, dit-il, vient en complément de l’activité des partenaires traditionnels de l’Afrique tels que l’Europe, les Etats-Unis, le Canada et le Japon.
Alakagni Hala
Source :Outre terre
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