Il ne faut pas s'y tromper : la Chine peut doubler sa mise en Afrique. La stratégie de Pékin, qui accueille aujourd'hui et demain 50 pays dans le cadre du Forum de coopération sino-africaine, vise à mettre à profit les bonnes relations économiques et commerciales pour conforter sa stratégie d'influence sur le continent africain, et par là lui permettre de s'affirmer dans le monde comme puissance incontournable. Certes, l'Afrique est toujours le continent de tous les déséquilibres. Que ce soit au Mali, en RDCongo ou encore aux deux Soudans, les crises font toujours rage. La Somalie est à nouveau menacée par la famine et le Yémen, en dépit de signes positifs, est loin d'être sorti de ses maux. Pourtant, dans une période où les économies européennes sont fragiles, où la reprise américaine est poussive, où les croissances chinoise et indienne donnent des signes d'essoufflement, l'Afrique apparaît sur une note plus positive. Après le repli de 2011 dû largement aux révolutions en Afrique du Nord, la croissance est repartie cette année. De même, les investissements directs étrangers sont toujours soutenus, à l'exception notable de l'Egypte et de la Tunisie qui ont payé cher leur printemps. Et aucun pays, développé ou émergent ne peut s'offrir le luxe de sous-estimer aujourd'hui l'Afrique et son milliard d'habitants. Sur les dix pays dans le monde avec les taux de croissance les plus élevés, six se situent en Afrique « avec des modalités de décollage différentes », dit-on d'ailleurs dans l'entourage du président François Hollande. Une façon de souligner le maintien de l'intérêt de la France pour le continent même si l'heure est au « partenariat » et non plus à la « Françafrique de papa ». Mais la République populaire a fait en Afrique des bonds en avant de géant. Face à l'offensive commerciale et économique de Pékin, une puissance moyenne comme la nôtre ne peut plus se contenter de s'abriter derrière quelques idées sur les liens historiques entre pays européens et africains ou sur l'inquiétude des Africains face à une présence chinoise envahissante qui ne créerait pas assez d'emplois sur le continent. Plus de cinquante ans après la décolonisation, cela ne peut plus jouer et les Chinois, en investissant notamment dans les infrastructures, ont aussi su s'adapter. Surtout, ils savent que se joue en Afrique une partie de leur influence dans le monde du XXI e siècle. Reste un avantage important : la Chine a toujours donné sa préférence, comme pendant longtemps les autres puissances, au statu quo derrière lequel s'abritent des régimes autoritaires. Au moment où la démocratisation du continent africain marque des points, cette politique pourrait se retourner contre ses promoteurs. Comme ce fut le cas déjà au nord de l'Afrique avec le printemps arabe.
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