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mercredi 24 mai 2017

Chine, Afrique, Maroc… rencontre stratégique? Le compte rendu de mon voyage d’études | L'Economiste

Chine, Afrique, Maroc… rencontre stratégique? Le compte rendu de mon voyage d’études | L'Economiste

Par Fathallah OUALALOU | Edition N°:5029 Le 23/05/2017 | Partager
Professeur d’économie à la faculté de Rabat, Fathallah Oualalou fait partie des plus  grands ministres de l’Economie et des Finances du Maroc, ayant eu en charge  selon les gouvernements (El Youssoufi et Jettou) le tourisme et/ou la privatisation. En poste pendant dix ans, de 1998 à 2007, non seulement il a réussi à empêcher les dérapages budgétaires mais il a produit quelques années avec  un excédent! Membre du Bureau politique de l’USFP, il a été maire de Rabat, grâce à une alliance (déjà) avec le PJD. Invité d’honneur à la remise des Prix de L’Economiste en 2007, il y a partagé une remarquable «analyse du pouvoir et du changement», tirant les leçons de son mandat ministériel (L’Economiste du 3 mars 2007)(Ph. L’Economiste)  
Une dernière visite en Chine, en réponse à une aimable invitation, m’a donné l’opportunité de présenter mon livre, «La Chine et nous, répondre au second dépassement», dans deux institutions prestigieuses: l’Université des études diplomatiques de Beijing  et l’Institut des études internationales de Shanghai.
Cette visite a été, pour moi, l’occasion de revoir ce grand pays qui continue à avancer à grands pas, tout en adaptant son économie, devenue mature, aux nouvelles phases de la mondialisation et ce, dans le cadre d’un renouvellement du modèle de développement et le lancement de son grand projet mondialisé, La Ceinture et la Route.
Le 14 mai 2017, les autorités chinoises ont organisé, à Pékin, un grand forum international pour faire le point sur cette initiative, quatre années après son lancement. C’est dans ce cadre que le président Xi Jinping a tenu à relancer le dialogue avec le reste du monde.
Cette date correspond presque jour pour jour au premier anniversaire du voyage de SM le Roi Mohammed VI à Pékin, voyage qui a marqué un tournant essentiel dans les rapports entre le Maroc et la Chine.
On entrevoit ainsi la rencontre entre deux stratégies: une stratégie régionale, celle du Maroc qui appartient à l’espace euro-méditerranéen et ambitionne de renforcer son ancrage en Afrique, son continent d’appartenance. Une stratégie mondialisée, celle de la Chine, La Ceinture et la Route, nouvel instrument de dialogue avec la mondialité.
Les Chinois expliquent souvent le présent par le passé. Lors du forum de Pékin, le président Xi Jinping a rattaché cette nouvelle initiative à la route de la soie inaugurée par ses ancêtres il y a 2000 ans. Il s’est référé aux voyages des commerçants chinois, mais aussi à ceux de Marco Polo ou encore de notre Ibn Battouta. Il a surtout insisté sur le fait que cette route de la soie n’était pas seulement de nature commerciale. Elle a en plus créé des contacts entre des civilisations, des cultures, liées aux espaces du Nil, de l’Euphrate, de l’Indus et favorisé des interdépendances spirituelles entre bouddhisme, confusionnisme, islam et chrétienté.
En faisant le bilan des réalisations de ces quatre dernières années, il a insisté sur les grandes avancées des rapports de la Chine avec le reste du monde en matière d’échanges, d’infrastructures, de finances et plus encore d’ouverture sur les différents peuples. Il a enfin tracé les grandes lignes de l’action de cette initiative pour les quatre années à venir: faire en sorte qu’elle soit au service de la paix, de la prospérité, des échanges et de l’innovation. Comme il aime à le faire, il a repris des proverbes chinois, arabes et européens pour insister sur le caractère progressif de l’initiative qui doit évoluer, par étapes, tout au long du XXIe siècle.
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Sorti au cours de ce printemps 2017 chez la Croisée des chemins, le livre du professeur Oualalou  explique ce qui se passe en Chine, et particulièrement la grande rénovation du pays, rénovation qu’on ne peut deviner si on se contente de suivre les présentations occidentales sur ce pays et ses dirigeants. Pour le Maroc, la question est: comment se mettre sur le programme «route de la soie» (voir L’Economiste
du 19 mai  http://leconomiste.com/
article/1012630-route-de-la-soie-lemaroc-
dans-la-boucle)
Il est important de situer la tenue de ce forum dans le cadre du processus historique qui a permis à la Chine de passer en 35 ans du stade d’une économie en développement, à celui d’une économie émergente puis d’une puissance mondiale. Ainsi, la Chine s’est imposée depuis la crise de 2008 comme un facteur de résilience et de stabilisation et comme un élément de la multipolarité, en genèse, du monde. La Chine est devenue, on le sait, depuis le début de ce siècle, le premier partenaire de l’Afrique.
Cela a permis à ce continent de se réveiller, d’améliorer son rythme de croissance. Ce partenariat sino-africain a pris plusieurs dimensions, commerciale, infrastructures, financement grâce aux aides et aux IDE, humaine et culturelle. Mais la baisse du rythme de la croissance en Chine en 2014 a entraîné la chute des prix des matières premières et des produits énergétiques au détriment des économies africaines exportatrices. C’est dans ce cadre que la Chine a pris l’initiative d’organiser le deuxième sommet sino-africain à Johannesburg en décembre 2015.
Le président Xi y a proposé l’accroissement du financement public et privé aux pays en voie de développement à un niveau de 60 milliards de dollars, engagement repris dans son discours du 14 mai 2017 au forum de Pékin. Il a fait, par ailleurs, une proposition de partenariat dans une logique de co-développement permettant un redéploiement de l’activité industrielle chinoise en Afrique.
Ainsi, la stratégie mondiale chinoise de La Ceinture et la Route rencontre la stratégie régionale euro-méditerranéenne et africaine du Maroc (voir encadré). Le partenariat Chine-Maroc devrait permettre à notre pays de diversifier  son tissu productif, essentiel pour son développement,  et de profiter de ses atouts géopolitiques pour faire en sorte que ce partenariat renforce ses rapports avec ses voisins au nord et au sud de la Méditerranée.
                                                                                  
Le Maroc et l’offre chinoise
Ces propositions, bien sûr, intègrent la logique de la nouvelle route et permettent, notamment au Maroc, d’y prendre place. C’est à ce niveau que la logique régionale marocaine rencontre la logique mondiale chinoise. Le Maroc fait, on le sait, partie de l’espace euro-méditerranéen avec un statut d’associé avancé et renforce sa présence par l’investissement en Afrique dans les secteurs de télécoms, des engrais, de la banque et des BTP. Il se projette ainsi comme pays relais entre l’Afrique et l’Europe, bien outillé par sa position et sa double ouverture pour être présent dans un partenariat triangulaire Chine-Afrique-Europe.
C’est dans ce cadre que l’on doit situer le partenariat stratégique conçu par le Souverain marocain et le président chinois en mai 2016, il y a un an et qui s’est traduit, sur le plan opérationnel, par la signature de plusieurs accords dans le domaines du tourisme, en tenant compte du fait que la Chine est devenue le premier marché émetteur et du financement bancaire, permettant aux banques marocaines installées en Afrique de devenir opérationnelles dans un partenariat triangulaire Afrique-Chine-Maroc. Il s’est traduit également et surtout par le lancement d’un grand site industriel, la Ville Mohammed VI, au sud de Tanger. C’est un projet important qui intègre logique coproduction et logique triangulaire destinées à faire du Maroc un hub entre l’Europe et l’Afrique.
Par ailleurs, les derniers accords signés par l’OCP avec le Nigéria et  l’Ethiopie en vue d’y installer des sites de valorisation des phosphates peuvent ouvrir de grandes perspectives à un partenariat stratégique entre le Maroc et la Chine dans le domaine alimentaire à l’échelle africaine. Aujourd’hui, la Chine est le premier producteur de phosphates dans le monde et le Maroc le premier en matière de réserves phosphatières mondiales. Chine et Maroc sont condamnés à  réfléchir ensemble sur le devenir de la question alimentaire du continent africain, centre de leurs intérêts.

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