CHINE AFRIQUE

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samedi 25 décembre 2010

Entretien avec l’Ambassadeur de la République Populaire de Chine près le Bénin: « La Chine ne vient pas dépouiller l’Afrique de ses ressources »

Entretien avec l’Ambassadeur de la République Populaire de Chine près le Bénin: « La Chine ne vient pas dépouiller l’Afrique de ses ressources »: "A la veille de la célébration de la fête de l’indépendance de la République populaire de Chine, notre confrère, le Quotidien ‘’24 Heures au Bénin’’ a échangé avec son Excellence Geng Wenbing, Ambassadeur de la République Populaire de Chine près le Bénin. Dans l’interview qu’il lui a accordée, le diplomate chinois n’a pas tenu la langue du bois. Il a fait le point de la coopération Sino-Béninoise, les relations entre son pays et les Etats-Africains, ainsi que les raisons profondes qui justifient le développement spectaculaire de sa nation etc…Lecture.


‘’24 Heures au Bénin’’ : Il y a soixante et un ans, après l’indépendance de la Chine, votre pays s’est éveillé et le monde est en train de trembler. Quels sont les fondements de cette puissance Excellence Monsieur l’Ambassadeur ?

Geng Wenbing : Nous n’apprécions pas cette expression. Mais l’image que vous êtes en train de donner remonte au XIXème siècle quand la Chine était confrontée à la domination des puissances européennes. Pendant cette époque, la Chine a été attaquée et soumise à l’ouverture vers l’Europe. La Nation chinoise a subi toutes sortes d’épreuves telles que les invasions et pillages. Après la guerre de libération et l’indépendance, la Chine a commencé son développement par lequel elle contribue énormément à l’humanité. Par exemple, la contribution de la Chine à l’économie mondiale l’année dernière est de 23% et cette année elle tire vers 30%. Il ne faut donc pas voir le développement de la Chine comme une menace. Ce n’est pas par la colonisation ni par la pression que la Chine se développe. Bien au contraire, le développement de la Chine se fait de façon pacifique. D’ailleurs, la Chine n’a jamais agressé qui que ce soit. Bien au contraire, elle a été plusieurs fois attaquée par des forces étrangères. Parce qu’elle a été faible plusieurs décennies durant. Donc, l’expression doit être quand la Chine s’éveillera, le monde s’émerveillera et non tremblera comme le laisse entendre un adage bien connu. A partir de ce moment, la Chine a beaucoup plus de responsabilités. Déjà, elle apporte beaucoup au pays en voie de développement.

Excellence, à partir des explications que vous venez de donner, la Chine est-elle une puissance en devenir ou déjà une puissance mondiale ?

La Chine reste toujours un pays en développement. Nous détenons actuellement la plus grande réserve en devises étrangères. Nous sommes également la 2e économie mondiale. Mais au même moment, nous avons aussi la plus grande population dont le niveau de vie n’est pas encore satisfaisant. La population chinoise est estimée à 1 milliard 400 millions d’habitants dont il faut assurer les conditions de vie. Nourrir, loger, éduquer soigner… une telle population n’est pas chose aisée. Il faut donc voir autrement la Chine qui a un long chemin à parcourir pour devenir un pays puissant.

Contrairement aux autres puissances, la Chine a développé un partenariat appelé « gagnant-gagnant ». Expliquez nous Excellence, les contours de cette approche diplomatique.

La Chine se développe de façon différente des autres pays. Nous suivons la voie du développement pacifique et sur cette base nous proposons une perspective de coopération afin que les pays africains qui sont en relation avec nous trouvent leurs comptes. Cette option a été prise depuis la période des indépendances des pays africains, malgré que la Chine fût un pays économiquement faible. Depuis cette période, la Chine faisait de son mieux pour aider les pays africains sans rien demander en retour. Maintenant, avec le développement que la Chine a connu ses dernières années, elle a plus de moyens pour venir en aide à l’Afrique et surtout discuter avec ses amis de leur développement endogène. Alors la politique chinoise consiste à trouver des solutions d’aide au développement. C’est pourquoi, nous parlons de partenariat gagnant-gagnant. La Chine ne vient pas dépouiller l’Afrique de ses ressources. Prenons le cas du Bénin, où on se demande pourquoi la Chine est partout ? Il faut plutôt chercher à savoir ce que la Chine apporte au Bénin depuis 1972. Quand on parle du Palais des congrès, du stade de l’amitié, des hôpitaux, des écoles etc… vous voyez la Chine. Je crois vraiment que c’est un partenariat « gagnant-gagnant » puisque c’est une coopération de développement avec le respect mutuel des engagements. S’il n’y a pas d’accords préalables, on ne s’engage pas. La Chine ne vient pas pour imposer ses points de vue. En tant qu’ambassadeur, nous n’avons jamais dit on va faire quoi que se soit en posant des conditions.

Excellence, si on vous suit, la coopération sino béninoise doit-être fructueuse. Pouvez-vous nous faire le point de cette coopération ?

Nous pouvons déjà vous dire qu’il n’y a pas de domaine où la Chine ne coopère pas avec le Bénin. Sur le plan politique, nous avons de très bonnes relations, la confiance y est. Sur le plan économique, la Chine est la première exportatrice vers le Bénin en matière de produits commerciaux. Sur le plan infrastructurel, nous avons beaucoup de projets. La construction d’un échangeur est en cours, nous avons construit des écoles sans oublier l’hôpital de Parakou et le Centre de Pilote Agricole qui sont achevés. Mais cela n’a pas fonctionné comme on le souhaitait. Il manque des équipements. Nous avons entamé des discussions pour équiper ces hôpitaux. Souvent, les équipements sont mal exploités. Mais nous allons continuer à fournir d’équipements, ensuite former les médecins à l’usage de ces équipements. Sur d’autres plans, la Chine n’est pas en reste. Les étudiants béninois en médecine qui sont en formation en Chine dès leur retour pourront travailler dans ces hôpitaux. Quant à la construction du lycée, nous avons rencontré le ministre de l’Enseignement secondaire pour qu’on nous donne un domaine. Nous allons construire le meilleur lycée moderne du Bénin. Nous discuterons également avec le ministre de l’Agriculture, pour créer une compagnie mixte dans le domaine de l’agriculture afin d’échanger et de former les agriculteurs. La formation est très importante. Le problème au Bénin est que le rendement de la production est trop bas. C’est le cas par exemple du maïs. Il faut donc former les paysans pour que le rendement soit plus important. Tout cela nous tient à cœur.

Tous ces secteurs d’activités sont-ils prioritaires Excellence où il y en a qui se démarquent ?

Franchement parlant, nous ne négligeons aucun secteur. Mais nous mettons un accent particulier sur certains domaines comme l’agriculture, la santé à travers les hôpitaux. C’est pour dire que notre priorité reste l’amélioration du niveau de vie de la population béninoise. Mais cela ne nous empêche pas d’intervenir dans les autres secteurs.

Malgré la qualité de la coopération, Excellence, n’y a-t-il pas des sujets à polémique, des sujets qui fâchent entre les deux pays ?

C’est vrai, il y a beaucoup de choses à faire. Et quand on travaille beaucoup comme dans le cadre de la coopération sino-béninoise, il y a toujours des problèmes. Des Béninois n’ont souvent pas bien compris les raisons de notre présence, Pour cela, ils posent souvent des conditions avant d’accueillir les investissements étrangers. Il y a souvent des gens qui ont peur et qui ne veulent pas coopérer. Ils se posent la question : « Pourquoi la Chine vient investir chez nous ? » Ce sont des questions un peu bizarres. Pour nous, l’objectif est le développement. Le monde entier doit aider les pays Africains. Dès qu’il y a un projet d’investissement, on pose des conditions ridicules. Les hommes d’affaires chinois attendent et souvent n’ont pas de suite. Dans ces conditions, ils sont obligés de repartir.

Excellence est-ce que votre orientation politique qui diffère de la nôtre ne constitue pas pour vous un handicap ?

Nous, nous ne sommes pas là pour critiquer la démocratie béninoise. D’une façon ou d’une autre, notre système politique est différent. Quand on descend dans les rues, ce n’est pas cela la démocratie. Il faut comprendre, ce qu’on met dans la démocratie. Le Bénin a évolué avec son système politique. C’est à apprécier. Chez nous en Chine, il y a aussi la démocratie, mais différente, c’est une démocratie dans l’ordre. Nous en sommes fiers. C’est avec ce système que nous avons engagé les réformes économiques. Et les résultats de la Chine sur tous les plans sont là.

Vous avez quelques griefs contre la presse béninoise qui a mis en doute la qualité des médicaments que vous nous avez offerts. Qu’en est-il exactement Excellence ?

Ce n’est pas tout à fait cela. Mais il s’agit des articles qui ont été écrits à propos des centres de médecine traditionnelle chinoise. Où on a parlé de faux médicaments chinois. Le gouvernement chinois avait décidé de fournir chaque année près de 225 millions de F CFA de médicaments au Bénin. Au début, les dons ont été acceptés, mais on nous dit après que ces médicaments ne sont pas connus mondialement. Au même moment, il y a des laboratoires au Bénin qui reprennent les médicaments chinois. Il y a des Béninois qui ont appris la médecine traditionnelle chinoise et qui la pratiquent. Donc il y a eu une mauvaise information à ce niveau. Voilà la substance de l’information. Nous ne sommes pas fâchés, car Il y a des journaux qui font bien leur travail contrairement à d’autres. Pour cela, il n’est pas normal qu’après des fausses informations de certains journaux, qu’on accable tout le monde surtout ceux qui font bien le travail.

A propos de ce dossier, d’après nos investigations, la Chine aurait suspendu les dons de médicaments au Bénin.

Nous n’avons pas cessé les dons de médicaments, mais nous sommes en train de revoir comment faire pour améliorer. Ce n’est pas que le Bénin qui reçoit les médicaments chinois. Nous envisageons prochainement de faire venir les experts chinois pour former les médecins sur l’usage des médicaments chinois. Pour que les Béninois acceptent les médicaments chinois.

Donc l’avenir de la coopération sino-béninoise est reluisant ?

Nous sommes confiants pour la coopération sino-béninoise. Le Bénin va se développer tôt ou tard. Et la coopération sino-béninoise va s’améliorer.

Propos recueillis par Titus Folly et Judicaël ZOHOUN

Lundi 18 Octobre 2010 - 17:04

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