Alors qu'une série de mesures viennent d'être prises par François Hollande et 6 chefs d'Etat africains lors du sommet de l’Elysée consacré à la secte islamique Boko Haram, une dizaine de chinois, enlevés samedi, sont toujours portés disparus. Employés d’une société chinoise du secteur routier, ils seraient détenus par Boko Haram. Cette prise d’otage traduit-elle une menace des intérêts chinois en Afrique ?
Le président sud-africain Jacob Zuma (à gauche) et le président chinois Hu Jintao, lors du Forum de coopération Chine-Afrique, le 19 juillet 2012 © AFP
21.05.2014Par Laura MoussetDix employés chinois d'une société du secteur routier seraient retenus captifs par Boko Haram, l'organisation islamiste nigériane qui fait la Une des médias depuis quelques semaines pour ses enlèvements à répétition.
En août 2012, le patron chinois d'une mine de charbon au sud de la Zambie est tué par ses ouvriers zambiens. En octobre de la même année, deux ouvriers chinois du bâtiment sont abattus par des hommes armés dans le nord-est du Nigéria. Puis un mois plus tard, ce sont deux ingénieurs qui décèdent sur un chantier de la région. En 2013, deux médecins chinois sont égorgés dans leur appartement. Le mode opératoire ressemble à celui de Boko Haram... Alors que traduisent ces événements ? Les intérêts de la Chine en Afrique sont-ils désormais menacés ? Ou est-ce simplement la conséquence de l'augmentation du nombre de ressortissants chinois sur le continent africain ?
En août 2012, le patron chinois d'une mine de charbon au sud de la Zambie est tué par ses ouvriers zambiens. En octobre de la même année, deux ouvriers chinois du bâtiment sont abattus par des hommes armés dans le nord-est du Nigéria. Puis un mois plus tard, ce sont deux ingénieurs qui décèdent sur un chantier de la région. En 2013, deux médecins chinois sont égorgés dans leur appartement. Le mode opératoire ressemble à celui de Boko Haram... Alors que traduisent ces événements ? Les intérêts de la Chine en Afrique sont-ils désormais menacés ? Ou est-ce simplement la conséquence de l'augmentation du nombre de ressortissants chinois sur le continent africain ?
Les Chinois ont commencé à s'implanter en Afrique dans les années 1980 © AFP
L’arrivée massive des Chinois en Afrique dans les années 1980 est un nouveau souffle pour les pays africains qui voient une autre alternative à la présence occidentale. « Il y a eu un enthousiasme, un optimisme il y a une quinzaine d'années, lorsque les pays africains ont vu les Chinois s'implanter d'abord pour construire des infrastructures et progressivement pour extraire des matières premières. Dans un premier temps, cette présence chinoise a été plutôt bien perçue par les élites mais aussi par les populations locales dans la mesure où ils étaient une alternative aux occidentaux et aux arabes » affirme Michel Beuret, grand reporter à la RTS, spécialiste des relations sino-africaines et auteur de "La Chinafrique : Pékin à la conquête du continent noir". C’est pourquoi les Chinois s’installent et progressent rapidement tout en faisant des propositions très alléchantes aux chefs d’Etat africains. En effet, « ils offrent aux élites africaines des cadeaux, un système de « packaging ». Dans les négociations, ils proposent aux africains de leur donner exploration de tel site et en échange ils construisent un palais présidentiel et un pont gratuitement. »
Des africains de plus en plus méfiants
Aujourd’hui, la méfiance serait plutôt à la méfiance. « Et au fur à et à mesure que les intérêts des Chinois prennent de l'ampleur, les populations autochtones africaines se rendent compte qu’ils viennent pour rafler des marchés sans contrepartie » assure Adama Gaye, essayiste sénégalais et spécialistes des relations sino-africaines.
Au quotidien, les Chinois s’accaparent de plus en plus des métiers « vernaculaires comme la vente de pain ou de beignets. Cette concurrence, jugée déloyale par les Africains, commence à provoquer une grogne » explique Michel Beuret. D’autant plus qu’à l’origine les Chinois sont connus sur le territoire africain pour être plutôt communautaristes. Ce que confirme Adama Gaye : « Ils restent dans leur coin, ils font leurs activités en catimini. Ils sont discrets et ils vivent en autarcie : ils travaillent entre eux et ne fréquentent pas les communautés africaines ».
Pour Adama Gaye, si les Chinois sont dans le viseur des groupes armés comme Boko Haram, ce serait pour plusieurs raisons, dont celle-ci : « la Chine est devenue, sur le continent africain, le premier pays exportateur d'armes légères. Ces armes sont utilisées pour combattre les forces rebelles, les mouvements d'opposition. La Chine apparait, en outre, comme le pays qui protège le plus les puissances autocratiques et autoritaires du continent africain, il n'est pas étonnant qu'elle devienne une cible des forces qui revendiquent le mécontentement de la manière dont les pays sont gérés ».
Cependant, il faut tout de même noter que cette méfiance n'est pas à imputer à toute la population africaine. En effet, il existe une réelle ambivalence de la situation. Lors de ces voyages au Cameroun, Michel Beuret a pu l'observer. « D’un côté on voit des travailleurs africains vendre leur main d’œuvre grâce à ce slogan écrit sur des cartons : "plus fort que le Chinois", et en même temps, on voit d’autres africains en colère parce que les Chinois vendent des beignets (moins chers que les locaux). D'un côté on les admire, de l'autre on les déteste » raconte-t-il.
Aujourd’hui, la méfiance serait plutôt à la méfiance. « Et au fur à et à mesure que les intérêts des Chinois prennent de l'ampleur, les populations autochtones africaines se rendent compte qu’ils viennent pour rafler des marchés sans contrepartie » assure Adama Gaye, essayiste sénégalais et spécialistes des relations sino-africaines.
Au quotidien, les Chinois s’accaparent de plus en plus des métiers « vernaculaires comme la vente de pain ou de beignets. Cette concurrence, jugée déloyale par les Africains, commence à provoquer une grogne » explique Michel Beuret. D’autant plus qu’à l’origine les Chinois sont connus sur le territoire africain pour être plutôt communautaristes. Ce que confirme Adama Gaye : « Ils restent dans leur coin, ils font leurs activités en catimini. Ils sont discrets et ils vivent en autarcie : ils travaillent entre eux et ne fréquentent pas les communautés africaines ».
Pour Adama Gaye, si les Chinois sont dans le viseur des groupes armés comme Boko Haram, ce serait pour plusieurs raisons, dont celle-ci : « la Chine est devenue, sur le continent africain, le premier pays exportateur d'armes légères. Ces armes sont utilisées pour combattre les forces rebelles, les mouvements d'opposition. La Chine apparait, en outre, comme le pays qui protège le plus les puissances autocratiques et autoritaires du continent africain, il n'est pas étonnant qu'elle devienne une cible des forces qui revendiquent le mécontentement de la manière dont les pays sont gérés ».
Cependant, il faut tout de même noter que cette méfiance n'est pas à imputer à toute la population africaine. En effet, il existe une réelle ambivalence de la situation. Lors de ces voyages au Cameroun, Michel Beuret a pu l'observer. « D’un côté on voit des travailleurs africains vendre leur main d’œuvre grâce à ce slogan écrit sur des cartons : "plus fort que le Chinois", et en même temps, on voit d’autres africains en colère parce que les Chinois vendent des beignets (moins chers que les locaux). D'un côté on les admire, de l'autre on les déteste » raconte-t-il.
Le président chinois Xi-Jinping © AFP
La Chine : une cible intéressante
Si les Africains commencent à se méfier de la Chine, c'est parce qu'économiquement, elle est devenue le premier partenaire du continent. "Elle pèse plus de 200 milliards de dollars d'échange commerciaux" précise Adama Gaye. C’est tout naturellement qu’elle est « devenue une cible pour les groupes armés ». En effet, les Chinois peuvent « être utilisés comme arme pour négocier de la part de Boko Haram » estime Adama Gaye.
Si les Africains commencent à se méfier de la Chine, c'est parce qu'économiquement, elle est devenue le premier partenaire du continent. "Elle pèse plus de 200 milliards de dollars d'échange commerciaux" précise Adama Gaye. C’est tout naturellement qu’elle est « devenue une cible pour les groupes armés ». En effet, les Chinois peuvent « être utilisés comme arme pour négocier de la part de Boko Haram » estime Adama Gaye.
Pas de menace mais une importante prise de risques
Certains spécialistes des relations sino-africaines ne croient pas vraiment à la menace des intérêts chinois en Afrique. En tout cas, ils ne mettent pas cet argument en première position. Pour Michel Beuret, par exemple, le fait que les Chinois soient de plus en plus nombreux sur le continent expliquerait, en partie, pourquoi en trois ans, on recense au moins quatre cas d'agression ou d'enlèvement de ressortissants chinois. Pour compléter son analyse, il ajoute qu’ils « sont arrivés les derniers sur le continent donc ils prennent ce qu'il reste : des territoires plus reculés, plus compliqués. Ils vont là où les autres ne vont pas, et forcément, ils prennent des risques. Parfois ils mettent la main dans le repère de la murène, un peu naïvement ».
Certains spécialistes des relations sino-africaines ne croient pas vraiment à la menace des intérêts chinois en Afrique. En tout cas, ils ne mettent pas cet argument en première position. Pour Michel Beuret, par exemple, le fait que les Chinois soient de plus en plus nombreux sur le continent expliquerait, en partie, pourquoi en trois ans, on recense au moins quatre cas d'agression ou d'enlèvement de ressortissants chinois. Pour compléter son analyse, il ajoute qu’ils « sont arrivés les derniers sur le continent donc ils prennent ce qu'il reste : des territoires plus reculés, plus compliqués. Ils vont là où les autres ne vont pas, et forcément, ils prennent des risques. Parfois ils mettent la main dans le repère de la murène, un peu naïvement ».
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