INTERNATIONAL - Ce n'est pas une nouveauté, la Chine a investi énormément sur le continent africain. Depuis 2000, elle y a consacré plus de 75 milliards de dollars, ce qui la place juste derrière les Etats-Unis (qui atteignent 90 milliards de dollars). Le Ghana a été le principal bénéficiaire de l'argent chinois.
Mais cette présence chinoise -que certains n'hésitent pas à qualifier de puissance coloniale- engendre des débordements. De nombreux Chinois se rendent dans des pays africains afin d'exploiter clandestinement leurs richesses, or en tête.
Les efforts du Ghana pour stopper la ruée vers l'or
Le Ghana, deuxième exportateur d'or du continent derrière l'Afrique du Sud et pôle de stabilité en Afrique de l'Ouest, est le plus touché par cette vague.
A coups d'arrestations et d'expulsions, le pays cible désormais les Chinois qui viennent exploiter clandestinement ses mines d'or. Mais cette ruée illégale vers le métal précieux semble d'autant plus difficile à arrêter que les frontières sont poreuses et les fonctionnaires corruptibles.
168 étrangers ont été arrêtés mercredi 5 juin dans différentes régions, un mois après le lancement par le président John Dramani Mahama d'une vaste opération contre les exploitations minières illégales, notamment dans la région d'Ashanti (au centre du pays).
Les Chinois formaient l'essentiel des étrangers interpellés, mais on comptait aussi six Russes parmi eux, a précisé le porte-parole des services d'immigration du Ghana, Francis Palmdeti.
Le mois dernier, des agents d'une force conjointe spéciale -formée par la police, les services de l'immigration et de la sécurité nationale- avaient effectué une descente dans les mines d'or pour en chasser les clandestins auxquels les autorités reprochent notamment de polluer les rivières et de dégrader l'environnement.
La Chine condamne ses ressortissants clandestins
L'ambassade de Chine a annoncé qu'elle facilitait le rapatriement des Chinois impliqués dans ces activités minières et plus de 200 d'entre eux se sont présentés volontairement, selon Francis Palmdeti.
Un cadre de l'ambassade de Chine à Accra, Yu Jie, a assuré que les ressortissants chinois quittaient les zones d'exploitation de l'or de l'intérieur du pays. Quant au nombre total de Chinois impliqués dans ces activités, il s'est dit incapable de l'évaluer.
Mais l'analyste financier Sydney Casely-Hayford l'assure: la répression n'arrêtera pas cette exploitation minière dont sont complices aussi bien les dirigeants traditionnels ghanéens que les hommes d'affaires. "C'est de l'argent facile, vite gagné", dit Casely-Hayford. "Il n'y a rien à faire parce que les autorités traditionnelles veulent l'argent, les exploitants veulent l'argent, les Chinois veulent l'argent: ils veulent l'or."
Le Ghana et la Chine multiplient les accords
Les Chinois ont commencé à affluer vers le Ghana, un pays de 27 millions d'habitants, ces dernières années. Le contexte semble d'autant plus favorable qu'une importante activité commerciale lie les deux pays et que Pékin ne cesse de développer ses investissements sur tout le continent africain pour ouvrir de nouveaux marchés et accéder aux ressources naturelles pétrolières, minières, etc.
Grand producteur d'or, le Ghana dispose aussi d'une industrie pétrolière naissante, qui a commencé à produire en 2010. Le géant chinois des hydrocarbures Sinopec est actuellement chargé d'y réaliser un grand projet de construction d'infrastructures gazières.
En 2011, le gouvernement ghanéen avait cité des chiffres fournis par la Chine selon lesquels 500 hommes d'affaires chinois développaient des activités au Ghana, dans le secteur de l'énergie ou encore pour la construction de routes.

L'or ghanéen attise les convoitises
Mais les Chinois ne sont pas les seuls à se ruer sur l'or ghanéen: 57 ressortissants de pays ouest-africains ont également été récemment arrêtés pour leur implication dans l'exploitation illégale des mines. Parmi eux, on comptait 51 Nigériens, deux Togolais, un Nigérian et trois hommes se disant Ghanéens.
Selon Francis Palmdeti, d'autres arrestations auront lieu. "Nous continuerons jusqu'au moment où nous estimerons que ce secteur de l'économie a été assaini", assure-t-il.
Mais de l'avis de Vladimir Antwi-Danso, directeur du Centre Legon des Affaires internationales et de la diplomatie, la répression n'est pas suffisante pour stopper cette extraction illégale. Le véritable problème, dit-il, c'est la corruption des fonctionnaires locaux qui a permis aux mines clandestines de proliférer dans l'intérieur du Ghana. "Nous avons des lois et des réglementations dans ce pays. Pourquoi avons-nous besoin d'une force opérationnelle spéciale?", interroge-t-il.
Le Ghana est victime de son développement qui attire sur son sol de nombreux étrangers venus exploiter clandestinement ses richesses. Si la Chine investit beaucoup, officiellement pour régler les dettes des pays africains et les aider au développement, les Ghanéens commencent à voir d'un mauvais oeil cette implantation qui s'attaque désormais aux petits commerces.
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