Le sommet nippo-africain sur le dévelopement de l'Afrique à Yokohama Reuters
Les faits - Le Japon s'est engagé samedi à verser une aide de 25 milliards d'euros aux gouvernements africains et aux acteurs privés sur le continent, à l'occasion d'un sommet nippo-africain qui a réuni 39 chefs d'Etat et de gouvernement autour du Premier ministre Shinzo Abe à Yokohama. Sur le continent noir, le Japon se heurte aux prétentions de la Chine, elle aussi très présente, mais aussi de plus en plus à l'Inde et à la Corée du sud.
«Les Chinois ne s'intéressent pas aux populations locales. Ils ne visent que les personnes au pouvoir et qui sont en mesure de servir leurs intérêts». Pour ce diplomate japonais qui souhaite conserver l'anonymat, il faut désormais contester la présence chinoise en Afrique et le Japon est en mesure de s'imposer comme une alternative. En inaugurant, le 1er juin, la cinquième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD V) qui se déroule à Yokohama, le Premier ministre Shinzo Abe a d'abord rappelé l'un des points forts du Japon, notamment en matière de formation. Trente mille jeunes Africains devraient ainsi en bénéficier dans les années à venir, a-t-il déclaré.Lancée en 1993, la TICAD accueille jusqu'au 3 juin les représentants de 51 Etats africains dont 39 chefs d'Etat et de gouvernement. Devant une telle assemblée, Shinzo Abe ne pouvait pas jouer les petits bras et a annoncé que «dans les cinq ans à venir, le Japon soutiendra la croissance africaine via des aides publiques et privées de 3 200 milliards de yens (24,2 milliards d’euros)». Le Premier ministre a précisé que ce montant comprendrait notamment 11 milliards d'euros d'aide au développement et 5 milliards d'euros destinés à financer les infrastructures, insistant sur l’importance des «couloirs internationaux» de transports au sein du continent. Des chiffres imposants qui traduisent la volonté de son pays d'occuper une place plus importante sur le continent.
En insistant sur le développement des infrastructures, le Premier ministre japonais a voulu rappeler à ses interlocuteurs africains que le Japon était lui aussi en mesure de répondre à leurs besoins. Dans ce domaine, la Chine devance les Japonais, car elle est capable de fournir une aide «low cost». «Quand les Japonais construisent quelques kilomètres de route, les Chinois en proposent 50 pour la même somme», poursuit notre diplomate japonais. Evidemment la qualité n'est pas la même, mais pour les gouvernements locaux, cela n'a, semble-t-il, guère d'importance. A Djibouti ou encore en Angola, la Chine est en première ligne parce qu'elle n'hésite pas à se concentrer sur les projets qui plaisent avant tout au pouvoir en place. Mais cela ne suffit pas à expliquer le retard japonais.La présence nippone est faible. Il y a 820 000 ressortissants chinois en Afrique contre 8 000 Japonais et Tokyo ne compte que 32 représentations diplomatiques sur le continent contre 49 pour Pékin. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner si les échanges entre la Chine et l'Afrique avoisinent les 130 milliards de dollars contre à peine 25 milliards pour le commerce nippo-africain.
Toutefois, les Japonais ne baissent pas les bras. Le Japon s'intéresse particulièrement aux ressources africaines depuis que sa dépendance aux importations d'hydrocarbures a été accrue par la fermeture de presque tous ses réacteurs nucléaires, suite à la catastrophe de Fukushima en mars 2011. Les Japonais sont également bien conscients du poids grandissant de l'Afrique dans l'économie mondiale et de l'émergence progressive d'une classe moyenne plus exigeante sur la qualité. Les produits made in Japan bénéficient auprès des populations locales d'une aura bien supérieure à ceux fabriqués en Chine. «Cela fait des années que le Japon concentre ses efforts pour apporter une aide ciblée qui répond directement aux besoins concrets de la population, que ce soit au niveau de la santé ou de l'éducation», explique Makoto Ito, ambassadeur pour la TICAD V, justifiant ainsi la bonne image du Japon.
Depuis plus de 60 ans, la marque Geisha est synonyme pour des millions d'Africains de délicieuses conserves de maquereau à la tomate. Après avoir subi une forte baisse de ses ventes après l'arrivée de concurrents chinois, Kawasho Foods, créateur de la marque, a décidé de s'implanter localement, au Ghana, afin de fournir l'Afrique de l'ouest à moindre coût. De son côté, Nissin, le principal producteur de nouilles instantanées, va construire une usine au Kenya d'ici 2014 pour servir les principaux pays de la région, tandis qu'Ajinomoto, le leader de l'agroalimentaire nippon, a choisi la Côte d'Ivoire comme base de production. «En l'espace de cinq ans, le nombre d'entreprises japonaises installées en Afrique est passé de 227 à 333», relève Shoei Utsuda, PDG de Mistui & Co, entreprise présente en Algérie. Les grands groupes industriels de Honda à Toyota, en passant par Japan Tobacco, redoublent d'efforts pour gagner du terrain.
Le problème, c'est que la concurrence ne se limite plus à la Chine. Depuis peu, l'Inde ou encore la Corée du Sud jouent dans la même catégorie puisque leurs échanges respectifs avec l'Afrique s'élèvent aujourd'hui à 34 milliards de dollars et 14 milliards. On comprend pourquoi Shinzo Abe a sorti son chéquier, en s'adressant aux représentants africains venus l'écouter à Yokohama.
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