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mercredi 5 octobre 2016

« L’Afrique pourrait devenir l’usine de la Chine »

« L’Afrique pourrait devenir l’usine de la Chine »

Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Hongkong)

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Une usine de chaussure à Dukem, en Ethiopie, en avril 2012.
Une usine de chaussure à Dukem, en Ethiopie, en avril 2012. Crédits : JENNY VAUGHAN/AFP

La Chine vieillit. Moins d’ouvriers dans ses usines, des salaires en hausse et une compétitivité en baisse : c’est la fin de l’âge d’or pour l’atelier du monde. « Cette situation représente une opportunité exceptionnelle pour l’Afrique », explique le chercheur américain David Dollar, du Brookings Institute. Pour cet ex-directeur de la Banque mondiale en Chine de 2009 à 2013, et ancien représentant du Trésor américain à Pékin, le continent africain pourrait tirer parti du rééquilibrage de l’économie chinoise.

« L’Afrique pourrait devenir l’usine de la Chine. Mais il faut rester réaliste. Dans un premier temps, la Chine ira sous-traiter certaines de ses productions au Vietnam ou au Bangladesh. Ensuite, elle pourrait regarder vers l’Afrique. Notamment pour servir de pont vers l’Europe et le Moyen-Orient, mais aussi servir la classe moyenne africaine qui consomme de plus en plus », précise le chercheur.

Développer l’industrie du textile

Une vingtaine d’usines chinoises dans les domaines du textile et de l’électronique est déjà en activité dans les zones économiques spéciales qui entourent Addis-Abeba. L’Ethiopie a ainsi inauguré cet été son plus grand parc industriel. Un millier de kilomètres carrés construits par la Chine à Hawassa, à 300 km de la capitale. Le Hawassa Industrial Park sera essentiellement destiné à développer l’industrie du textile et de l’habillement. Un secteur qui ne représente encore que 5 % du produit intérieur brut 5PIB) éthiopien, mais qui ne cesse de prendre de l’importance.

« On voit de plus en plus d’industriels chinois regarder vers l’Afrique pour y délocaliser certaines de leur production, analyse David Dollar. L’histoire de la Chinafrique est en train de changer. On passe petit à petit d’un modèle fondé sur l’exploitation des matières premières à un modèle reposant sur l’utilisation des ressources humaines. »

A ce titre, l’expert américain voit dans la crise une expérience salutaire. « Le ralentissement de la demande chinoise en matières premières va se poursuivre et même s’accélérer. L’économie chinoise est en train de changer et de se recentrer sur la consommation intérieure. Un cycle se termine. Les économies africaines doivent se diversifier et surtout investir dans les ressources humaines pour permettre aux usines chinoises de produire directement sur le continent et être une alternative aux centres industriels asiatiques. »

Un secteur privé en pointe

Autre leçon de cette crise : les investissements du secteur privé sont plus stables et pérennes quand le secteur public tend à quitter le navire au moment du naufrage. « On voit bien qu’en RDC ou en Angola, les investissements publics chinois ne fonctionnent pas très bien. Ce sont des investissements à court terme qui ne visent que le profit immédiat. A l’inverse, une entreprise comme Huawei, le géant chinois des télécoms, crée des emplois en Afrique. La prochaine étape pour Huawei serait de produire directement en Afrique certains de ses composants ou de ses téléphones portables », détaille David Dollar.

Le secteur privé est également en pointe dans les financements. « Il y a de plus en plus de banques qui investissement en Afrique, constate le chercheur américain. Pendant longtemps, les projets étaient uniquement financés par la banque chinoise d’import-export Exim ou la Banque chinoise de développement (CDC). Mais, actuellement, on estime que l’équivalent de 10 milliards de dollars de projets sont financés directement par des banques et par le secteur privé chinois. »

Là encore, les résultats sont très divers. Quand l’Ouganda s’en sort bien et attire de nouveaux capitaux privés, l’Angola est proche du défaut de paiement et fait peur aux investisseurs. « Tout dépend de la gouvernance locale, de la corruption, voire de l’existence ou non d’un système démocratique. On voit que cela fonctionne mieux en Afrique du Sud, en Tanzanie ou en Ouganda qu’en Angola ou au Nigeria », conclut le chercheur.

Dans son rapport, David Dollar plaide donc pour des économies africaines qui passeraient des ressources naturelles aux ressources humaines. Il appelle à une vision décomplexée de cette Chinafrique. « Je crois aux partenariats tripartites, explique l’ancien fonctionnaire de la Banque mondiale. Quand l’Ouganda travaille avec la Chine, elle ne ferme pas la porte aux pays occidentaux. Personne ne doit choisir entre la Chine et l’Occident, et surtout pas les pays africains, qui doivent aujourd’hui construire leur propre modèle de développement. »

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