Le photographe Li Dong a passé deux ans à « Chocolate City », le quartier africain de Canton, pour saisir le quotidien de ses habitants.
Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Hongkong)
Mais, plus que la vie quotidienne, c’est le choc des cultures que cherche à montrer Li Dong. Beaucoup de ses compatriotes ne connaissent pas l’Afrique. « Un continent synonyme pour beaucoup d’entre eux de violence, de drogue et de guerres… Les Chinois ne veulent pas que les Africains s’installent près de chez eux. Mais c’est totalement irréaliste. La Chine est au cœur du processus de mondialisation. Elle est le symbole même de la mondialisation, au niveau économique surtout. Mais, culturellement, elle reste fermée », explique-t-il.
Le travail de Li Dong est le miroir de cette mondialisation dans laquelle la Chine est plongée. Après avoir été le berceau des soutiers de l’économie mondiale, voilà la Chine devenir un eldorado pour des dizaines de milliers d’Africains.
Les clichés de « Chocolate City » ont fait le tour du monde. Li Dong a exposé en France, en Allemagne, en Belgique et partout en Chine. Pour lui, « Chocolate City » est une inépuisable source d’inspiration. Aujourd’hui, le photographe tourne Mama Africa, un docu-fiction inspiré d’un bar du quartier de Canton où se retrouvent de nombreux Congolais. Les acteurs sont des habitants du coin et les dialogues naviguent entre les dialectes africains, le français et le mandarin, que parlent la plupart des migrants.
« Cet endroit était vivant, ouvert sur le monde. Mais le gouvernement a voulu “faire le ménage”, comme il dit. Ce que je souhaite montrer dans mon travail, c’est justement que ces Africains sont devenus des habitants de Canton. Ils sont une partie intégrante de notre ville. Seule leur couleur de peau est différente. Ils font du commerce, ils mangent, ils dorment. Leurs enfants grandissent ici. “L’échec” de leur intégration est le reflet d’un échec de la Chine dans son intégration au monde. C’est paradoxal lorsque l’on voit combien de Chinois vivent à l’étranger et notamment en Afrique », conclut-il.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/18/au-c-ur-du-quartier-africain-de-canton-dans-l-objectif-d-un-photographe-chinois_5015636_3212.html#W9FGhgvGgRgfWLgP.99
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« Les communautés africaines que l’on croise ici, à Canton, sont un reflet de notre histoire. Ils symbolisent la modernisation de la Chine et la mondialisation », explique le photographe Li Dong. Quand il nous reçoit dans sa vaste maison de la banlieue de Canton transformée en studio, ses photos immenses de « Chocolate City », comme les Chinois surnomment le quartier africain de Canton, recouvrent les murs. Des visages, des couleurs et des populations qui se croisent sans vraiment se connaître.
« J’ai d’abord passé deux années à m’imprégner de ce quartier qui est si particulier en Chine, explique-t-il. J’ai commencé à discuter avec ces Africains installés ici et, en 2013, j’ai commencé à vivre avec eux. J’ai passé deux ans dans ce quartier. J’ai loué une petite chambre, sans fenêtre, d’à peine sept mètres carrés. Je voulais vivre comme eux. Mes voisins que je voyais tous les jours étaient tous africains. Il y avait cinq familles venues du Congo, du Sénégal et du Nigeria. J’ai fini par devenir leur ami et par observer de l’intérieur leur mode de vie et leur intégration dans ce pays tellement loin et différent des leurs. »Le choc des cultures
A cette époque, Li Dong arpentait quotidiennement, appareil photo en main, le quartier à la nuit tombée, quand la rue de Baoan commence à s’animer. Quand les petites échoppes accueillent les mères de famille qui font leurs courses, les bébés accrochés à leur dos, et que les commerçants rentrent les bras chargés de ballots de marchandises négociés chez les grossistes du coin. Lire aussi : Le cauchemar des Gambiens de Canton
Plus de 200 000 Africains transitent par Canton chaque année et quasiment tous travaillent et vivent dans ce quartier qui regorge de petits marchés, de centres commerciaux pleins de contrefaçons et d’électronique bon marché.Mais, plus que la vie quotidienne, c’est le choc des cultures que cherche à montrer Li Dong. Beaucoup de ses compatriotes ne connaissent pas l’Afrique. « Un continent synonyme pour beaucoup d’entre eux de violence, de drogue et de guerres… Les Chinois ne veulent pas que les Africains s’installent près de chez eux. Mais c’est totalement irréaliste. La Chine est au cœur du processus de mondialisation. Elle est le symbole même de la mondialisation, au niveau économique surtout. Mais, culturellement, elle reste fermée », explique-t-il.
Le miroir de la mondialisation
« La principale difficulté de cette relation, c’est l’aliénation et l’incompréhension qui entourent les migrants africains en Chine. C’est un rejet de la culture de l’autre par de nombreux Chinois parce que, vous savez, en mandarin, noir signifie “être sale” »Le travail de Li Dong est le miroir de cette mondialisation dans laquelle la Chine est plongée. Après avoir été le berceau des soutiers de l’économie mondiale, voilà la Chine devenir un eldorado pour des dizaines de milliers d’Africains.
Les clichés de « Chocolate City » ont fait le tour du monde. Li Dong a exposé en France, en Allemagne, en Belgique et partout en Chine. Pour lui, « Chocolate City » est une inépuisable source d’inspiration. Aujourd’hui, le photographe tourne Mama Africa, un docu-fiction inspiré d’un bar du quartier de Canton où se retrouvent de nombreux Congolais. Les acteurs sont des habitants du coin et les dialogues naviguent entre les dialectes africains, le français et le mandarin, que parlent la plupart des migrants.
Un quartier en pleine gentrification
« La Chine change, explique Li Dong, et c’est pour cela que je souhaite immortaliser en photos et en vidéo ces évolutions. » Le quartier est en effet en pleine gentrification. Sous la pression de la mairie qui veut faire place nette, beaucoup d’Africains ont déjà dû partir s’installer plus loin.« Cet endroit était vivant, ouvert sur le monde. Mais le gouvernement a voulu “faire le ménage”, comme il dit. Ce que je souhaite montrer dans mon travail, c’est justement que ces Africains sont devenus des habitants de Canton. Ils sont une partie intégrante de notre ville. Seule leur couleur de peau est différente. Ils font du commerce, ils mangent, ils dorment. Leurs enfants grandissent ici. “L’échec” de leur intégration est le reflet d’un échec de la Chine dans son intégration au monde. C’est paradoxal lorsque l’on voit combien de Chinois vivent à l’étranger et notamment en Afrique », conclut-il.
Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/18/au-c-ur-du-quartier-africain-de-canton-dans-l-objectif-d-un-photographe-chinois_5015636_3212.html#W9FGhgvGgRgfWLgP.99
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