Les deux pays ont des dizaines de missiles nucléaires intercontinentaux pointés réciproquement sur leurs villes. De temps à autre, leurs frégates et leurs chasseurs se font face dans les eaux litigieuses de la mer de Chine méridionale. Dépourvus de frontières communes, la Chine et les États-Unis se mesurent de loin, s’en remettant aux satellites et à la surveillance en ligne pour observer les rouages de leurs machines de guerre respectives.

Mais ces rivaux stratégiques vont devenir voisins dans une zone brûlée par le soleil du désert est-africain. En effet, la Chine est en train d’y installer sa première base militaire à l’étranger, à quelques kilomètres de Camp Lemonnier, l’une des bases étrangères les plus vastes et importantes du Pentagone. Alors que la tension monte autour des îles artificielles construites par Pékin dans la mer de Chine méridionale, des stratèges américains redoutent qu’une base navale si proche de Camp Lemonnier ne place la Chine aux premières loges pour suivre la préparation des opérations antiterroristes américaines dans la péninsule Arabique et en Afrique du Nord.

C’est comme si une équipe de foot rivale utilisait un terrain d’entraînement contigu au vôtre, explique Gabriel Collins, spécialiste de l’armée chinoise et fondateur du site d’analyse China SignPost. Ils peuvent étudier votre jeu. En même temps, la possibilité d’épier l’autre vaut dans les deux sens.

Aménagée après les attentats du 11 septembre 2001, la base de Camp Lemonnier accueille quelque 4 000 militaires. Certains d’entre eux participent à des missions ultrasecrètes, parmi lesquelles des assassinats ciblés par drone au Moyen-Orient et dans la Corne de l’Afrique ainsi que le raid de janvier dernier au Yémen, qui a coûté la vie à un membre des Navy Seals.

Cette base de la marine américaine, qui jouxte l’aéroport international de Djibouti, est la seule installation militaire permanente des États-Unis en Afrique.

Recomposition des alliancesAu-delà du problème de surveillance, et compte tenu des milliards de dollars de

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Andrew Jacobs et Jane Perlez