Erik Prince, l’ancien patron et fondateur de Blackwater, l’armée privée la plus puissante au monde jusqu’en 2009, est désormais aux commandes de FS Group, une entreprise chargée de la logistique en Afrique de nombreuses multinationales chinoises. Eric Prince affirme avoir tourné la page de ses activités militaires.
Avec Blackwater, vous étiez sous contrat avec le gouvernement américain en Irak et en Afghanistan notamment. C’est donc assez surprenant de vous retrouver aujourd’hui à la tête de FSG qui travaille pour des clients essentiellement chinois en Afrique…
Surprenant, je ne sais pas. Ce sont des activités très différentes de mes précédentes fonctions. Avec FSG, nous ne faisons pas de sécurité, nous n’avons aucun personnel armé. Notre rôle est d’assurer la logistique et le bon fonctionnement des opérations pour nos clients sur le continent africain. Nous assurons le transport des hommes et du matériel, les évacuations éventuelles en cas d’urgence, la construction d’infrastructures comme des ponts ou des routes pour permettre, par exemple, le transport des matières premières depuis les points d’extraction jusqu’aux principaux ports du Kenya ou d’Afrique du Sud.Lire aussi : La Chine à l’assaut du ciel africain
Vos clients sont essentiellement chinois. Pourquoi cela ?
La Chine et l’Afrique sont aujourd’hui indissociables. La Chine a besoin des matières premières africaines et l’Afrique a besoin des investissements chinois. Les infrastructures construites par les Chinois en Afrique fonctionnent bien et tout le monde en profite : les populations locales et les entreprises chinoises. Les Chinois veulent une meilleure vie. Des voitures, des téléphones portables, des maisons. Ils veulent tout cela et ils ont donc besoin de toutes les matières premières disponibles. Je considère que je suis en mission pour l’économie chinoise en Afrique.FS Group est basé à Hong Kong, votre principal actionnaire est Citic, un fonds public d’investissement chinois. Êtes-vous proche du gouvernement de Pékin ?
Oui, Citic est notre principal actionnaire et nous sommes à Hong Kong parce que c’est le carrefour des affaires en Asie. Nous avons une vingtaine d’employés – sur les 400 que compte notre groupe – qui parlent couramment mandarin et nous avons des bureaux à Nairobi et à Pékin. Je vois mon entreprise comme un pont entre la Chine et l’Afrique. Notre rôle est de permettre que les affaires de la Chine sur le continent tournent bien et sans heurt. Vous savez, en Afrique, les problèmes logistiques sont importants. Nous travaillons au Congo où le transport des cargaisons depuis les mines du Katanga est très difficile. Il faut traverser des frontières. Les routes sont dangereuses. Au Soudan, nous assurons le bon fonctionnement des industries pétrolières et nous sommes sous contrat avec le ministère du pétrole du Soudan du Sud. Tout cela nécessite beaucoup de savoir-faire. Nous visons de très gros clients chinois, surtout dans le domaine du gaz et du pétrole.Lire aussi : L’« or blanc », une plaie au cœur de la Chinafrique
Vous avez acheté des compagnies d’aviation au Kenya, des sociétés de transport terrestre au Congo. Quels sont vos projets pour 2015 ?
Nous voulons être la première entreprise logistique à couvrir l’ensemble du continent africain. Nous allons partout, même où cela semble impossible ou dangereux. Mais je précise que nous ne faisons pas de sécurité directement. Mes hommes ne sont pas armés et pour ces questions nous faisons appel à des sous-traitants locaux. Nos clients nous demandent également d’assurer ces mêmes services sur d’autres continents pour eux. Par exemple en Amérique du Sud. Ce n’est pas encore le cas, mais j’y réfléchis.C’est la première fois que la Chine fait appel à un opérateur privé pour ses opérations de transport et de logistique. En plus une entreprise dirigée par un ancien militaire américain. Pourquoi ce choix selon vous ?
Les entreprises chinoises ont tendance à importer de Chine tout ce qu’elles utilisent dans leurs activités en Afrique. Cela va du personnel, au gros matériel et même à la nourriture. Mais elles n’ont pas pour cela d’entreprises de logistique en Chine. Le matériel arrive directement dans les ports africains et notre rôle justement et d’amener tout cela depuis les bateaux jusqu’aux lieux de travail. Il s’agit de gisements pétroliers, de pipelines ou de lieux d’extraction de matières premières. Il y a de très gros investissements chinois en Afrique et les entreprises veulent qu’une fois les projets lancés, ils fonctionnent sans accroc. Il faut surveiller les infrastructures, permettre leur bon fonctionnement et que le travail se déroule sans problème.Pouvez-vous nous donner quelques exemples de vos missions sur place ?
Je donnerai deux exemples. Le Soudan du Sud est certainement le pays qui concentre les plus gros investissements chinois en Afrique, surtout dans le domaine du pétrole, notamment l’exploration, l’extraction et le transport. Sur place, nous sommes sous contrat avec le gouvernement et nous assurons que la production se passe sans problème. Les entreprises veulent un retour sur leurs investissements qui sont très importants. Nous sommes également là pour la logistique des chantiers de barrages, d’autoroutes ou de ponts. Nous intervenons surtout là où les conditions d’accès sont les plus délicates.Mon second exemple est le Congo avec l’exploitation des mines du Katanga. Là encore les conditions de sécurité et de transport sont difficiles et notre mission et de permettre que tout se déroule bien. L’un de nos objectifs est de pouvoir travailler pour les missions des casques bleus chinois en Afrique, surtout au Soudan du Sud. Je pense qu’il est dans l’intérêt de l’ONU de travailler avec des entreprises comme la nôtre. Nous pourrions par exemple nous occuper des évacuations médicales d’urgence. Tout cela est en négociation. En Afrique, les difficultés sont nombreuses, mais les opportunités sont tellement immenses.
Sébastien Le Belzic est un journaliste installé à Pékin depuis 2007, où il dirige le site Chinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.
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