CHINE AFRIQUE

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vendredi 4 janvier 2013

Sujet inédit : le tourisme chinois en Afrique

Sujet inédit : le tourisme chinois en Afrique
En 2011, plus d’un million de touristes chinois auraient été enregistré en Afrique. Mais quelle réalité se cache derrière ces chiffres?
On connaît l’appétit de la Chine pour l’Afrique — au point que deux politologues bien connus, Michel Beuret et Serge Michel, ont pu écrire un livre intitulé « la Chinafrique » — mais il est tout de même étonnant qu’à l’occasion d’une réception de fin d’année à Bruxelles l’ambassade de Chine diffuse une plaquette sur « les relations économiques et commerciales sino-africaine » comportant un chapitre sur les investissements dans les transports (notamment aériens) ainsi que dans le tourisme…lequel connaîtrait une extension phénoménale sur le continent noir…
En 2011, nous révèle ce document, plus d’un million d’entrées de touristes chinois (1,012 million exactement) auraient été enregistré en Afrique. Rappelons que la population totale de la Chine est, selon les dernières statistiques officielles, de 1.364 millions d’individus.
Une croissance de près de 40 p.c., vraiment ?
Ce chiffre particulièrement élevé de plus d’un million d’entrées (impliquant nécessairement de très nombreuses entrées multiples…ce qui est assez bizarre pour un continent qui est le moins développé de tous en matière de tourisme réceptif) est en augmentation de 39,8 pc par rapport à 2010, soit une croissance très supérieure à la moyenne de celles des touristes chinois dans l’ensemble des pays étrangers (22, 4 pc).
Parallèlement, au cours de la même année, la Chine aurait enregistré 489.000 entrées de touristes africains en Chine, chiffre vraisemblable, même s’il semble, lui aussi, nettement exagéré. Ce dernier chiffre serait en hausse de 5,4 pc, avec une localisation assez précise des pays concernés : Afrique du sud, Egypte, Nigéria et Algérie. De ces quatre pays, un seul est véritablement émetteur de touristes internationaux et c’est l’Afrique du sud. Les trois autres sont des Etats très islamisés (pour ne pas dire pro-islamistes) où, du reste, la grande majorité de la population n’a pas les moyens – et souvent aussi pas le droit – de quitter le pays.
Ce détail est révélateur du caractère faussement attribué aux flux touristiques des mouvements d’entrées et de sorties de citoyens de et vers la Chine. Apparemment, Pékin comptabilise comme « entrée de touriste » tout passage douanier d’un Chinois vers un pays d’Afrique ou d’un Africain vers la Chine.
Un visa « touristique » qui sert à tout
Autrement dit, ces centaines de milliers de « touristes » chinois sont seulement des citoyens possédant un passeport avec…un visa touristique, mais qui ne sert bien sûr pas, pour leurs porteurs, à faire du tourisme en Afrique. Et l’inverse est vrai, bien que dans une proportion infiniment moindre.
On sait qu’il existe un très grave problème de chômage en Chine. Chaque année des millions de jeûnes diplômés chinois (nous parlons de ceux qui sont sortis d’universités chinoises, non de ceux qui ont eu la chance – ou plutôt le piston – d’aller étudier à l’étranger) se retrouvent, par millions, au chômage ou deviennent alors titulaires de petits boulots ne répondant pas à leurs qualifications (théoriques). C’est même au point qu’on a vu des affiches, à la devanture des grands magasins de Pékin, libellées comme suit : « On cherche vendeurs pour le rayon chaussures. La priorité sera accordée aux titulaires d’un diplôme universitaire ».
Alors, une grande partie de ceux qui ont une petite spécialisation complémentaire en langue anglaise ou française se rendent plusieurs fois par an, voire par mois, en Afrique pour tâter le terrain en vue d’y faire des affaires, de créer une petites entreprises ou d’obtenir des missions d’expatriés à durée limitée au service d’investisseurs chinois qui envahissent, parfois massivement, des pays comme l’Angola, le Soudan ou l’Egypte.
… et moins cher
Et soit parce que, tout simplement le visa de tourisme est moins cher, soit parce qu’ils ne sont pas sûrs de rester sur place pour une durée significative, ces jeunes arrivent en Afrique avec une casquette (made in China, of course) de touriste. Par ailleurs le visa de tourisme permet une beaucoup plus grande flexibilité (du moins dans le sens Chine-Afrique, l’inverse n’étant pas vrai, on s’en doute pour les Africains qui, eux, sont nombreux à explorer le marché des « gadgets chinois bon marché » importables en Afrique. Ce sont des « touristes » chinois d’un genre très particulier, amateurs apparents de safaris coûteux, qui viennent en Afrique, eux, pour prospecter les marchés interdits (ivoire, cornes de rhinocéros, viandes de singe, de serpents ou de tortues) ou « spéciaux » (bois exotiques, métaux rares, pierres précieuses ou semi-précieuses).
Une classe moyenne plus importante que dans toute Europe
En d’autres termes, les « flux touristiques » évoqués par la Chine sont en grande partie – mais pas intégralement – factices. Car les pays africains ont compris qu’il existe désormais une classe moyenne chinoise qui, en nombre, est plus importante que la classe moyenne de l’ensemble du continent européen et qui est réellement susceptible de faire du tourisme.
Ainsi la deuxième plus grande exposition touristique internationale d’Afrique, qui est celle de Harare (Zimbabwe), a attiré fin 2011 plus de 500 exposants chinois et a présenté la reconstitution d’une « rue ancienne » chinoise tout entière. De son côté, l’administration du tourisme de Namibie a ouvert une grande campagne de promotion axée sur la Chine.
En Afrique subtropicale, cela se passe souvent assez bien. Mais en Afrique du nord et sahélienne, les incidents sont nombreux. Il n’y a pas longtemps les petits commerçants musulmans d’Algérie se sont regroupés pour manifester contre une présence « insupportable » des touristes chinois : non pas qu’ils étaient trop nombreux ou qu’ils dépensaient trop peu, non, mais parce qu’ils adoptaient des comportements incompatibles avec les règles locales de la « bienséance » : les filles s’habillent de manière jugée provocante, les garçons consomment ostensiblement de grandes quantités d’alcool et, bien entendu, ils ne respectent en rien les consignes d’austérité applicables pendant les périodes du ramadan.
Des investissements massifs
Face à ces critiques, les Chinois rétorquent qu’ils investissent massivement dans l’immobilier touristique et hôtelier ainsi que dans les transports aériens, autorisant, par exemple, de nombreuses compagnies africaines interdites de survol en Europe (liste noire de l’UE, imposée au non du manque de sécurité) à se rendre en Chine et aidant même, dans certains cas, des compagnies africaines à améliorer leurs normes et conditions de transport.
Ils viennent d’achever un hôtel 4 étoile à Lilongwe (capitale du Malawi) après en avoir construits (avec financements très larges et parfois dons à la clé) dans d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal, l’Algérie, la Libye ou Madagascar.
23 pays africains ont signé des accords sur le transport aérien avec la Chine. Selon le rapport diffusé à Bruxelles, 44 vols réguliers hebdomadaires relient désormais en direct des aéroports africains et chinois. Et les Chinois ont annoncé à la tribune de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) qu’ils allaient contribuer à mettre en œuvre un plan régional pour aider le continent africain à améliorer le niveau de sécurité de son aviation civile. A ce jour, ils ont effectivement fait un don de… 370.000 dollars à divers pays africains. Une aumône.
Au fait, où est le tourisme véritable là-dedans ?
Camille Vermont

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