18 juillet 2016 à 15h52
Le président du Congo Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, élu le 20 mars 2016, a effectué un voyage officiel en Chine (4-8 juillet 2016).
Il y a été reçu par le président chinois, Xi Jinping, en réponse à la visite que celui-ci avait faite au Congo après son élection en tant que président de la République populaire de Chine.Les relations entre la Chine et le Congo Brazzaville datent des années 1960 et le Congo a été un soutien important pour la reconnaissance de la Chine au plan international. L’intérêt du voyage du président Sassou réside dans deux faits majeurs : comment promouvoir le développement des rapports économiques entre la Chine et le Congo (de nombreux accords ont été signés dans le domaine des mines, du pétrole et de la création de la zone économique spéciale de Pointe Noire) et comment fluidifier les rapports économico-financiers nécessaires aux investissements chinois en zone CEMAC et surtout au Congo-Brazzaville.
Dans cette perspective, les présidents Sassou Nguesso et Xi Jinping ont décidé de la convertibilité monétaire entre le yuan chinois et le franc CFA de la zone CEMAC. Cette initiative monétaire est intéressante et doit être interprétée à l’aune des rapports bilatéraux qu’entretiennent la Chine et la plupart des pays africains francophones, dont le Congo. Cette initiative monétaire est une amorce pour une réflexion nouvelle en faveur d’une mise en relation entre capitaux étrangers chinois et développement économique dans la plupart des pays africains.
Les esprits éclairés et intellectuels diront que cette convertibilité CFA et Yuan est impossible pour des raisons politico-économiques qui font du CFA une monnaie non-transférable et non-convertible, dont l’existence est essentiellement le fait du trésor français qui exige une couverture maximale par les pays africains utilisateurs grâce aux devises qu’ils obtiennent de la vente de leurs matières premières (ce dépôt de devises leur permet d’utiliser des francs CFA). Assez paradoxalement, des pays comme le Congo ont des devises auprès du Trésor Français et ne peuvent en faire une utilisation optimale à cause des contraintes de la couverture euro/franc CFA qui est de l’ordre de 100%. Toute transaction monétaire et financière avec l’étranger requiert une surveillance étroite du Trésor français, ce qui limite les capacités d’utilisation des réserves en devises que les pays africains déposent auprès du Trésor français.
La convertibilité yuan / F CFA contribue à diminuer le seigneuriage de Paris sur la plupart des pays de la zone CEMACLe yuan, monnaie chinoise, fait l’objet d’une internationalisation progressive (processus par lequel le yuan peut être utilisé en dehors des frontières de la Chine continentale par des non-résidents pour réaliser des transactions commerciales et financières), or, paradoxalement, si la Chine est la deuxième puissance économique du monde (selon les méthodes comptables et statistiques des données utilisées), ce pays évite d’internationaliser sa monnaie pour ne pas avoir à se préoccuper des problématiques liées à la volatilité de sa monnaie et au risque de change que cela implique. Comment dès lors comprendre et expliquer cette donne monétaire pour une convertibilité entre le franc CFA et le yuan ?
La Chine vient de créer au Congo une banque sino-congolaise pour l’Afrique (BSCA) et pour le développement. Cette banque, dont le siège social est à Brazzaville, a pour vocation d’aider les investisseurs chinois et les opérateurs économiques congolais et africains à réaliser leurs transactions sur le marché chinois. De façon concrète, la convertibilité yuan / franc-CFA évite le passage du Congo et des pays de la zone CEMAC par la place de Paris, ce qui contribue à diminuer le seigneuriage de Paris sur la plupart des pays de la zone CEMAC utilisateurs du Franc-CFA. Le processus de convertibilité repose ici sur les techniques de compensation CFA / yuan qui permettent aux opérateurs du Congo-Brazzaville de déposer des francs CFA à la Banque sino-congolaise et de recevoir les sommes équivalentes en yuans sur le marché chinois.
La question du taux de change demeure, c’est une question politique entre les autorités de la CEMAC et celles de Pékin, elle n’est pas difficile à résoudre et elle doit être étudiée à l’aune des variables traditionnelles strictes, comme le taux d’intérêt, les prix, le taux d’inflation et surtout le volume des échanges entre la Chine et les pays de la CEMAC. Nous sommes ici dans un modèle semi-monétaire gagnant/gagnant qui permet à la Chine d’instaurer un modèle de financement économique, et au Congo-Brazzaville et aux pays de la CEMAC d’amorcer un modèle de développement industriel à côté du modèle commercial traditionnel instauré par Paris et ses anciennes colonies d’expression française.
C’est une donne monétaire intéressante qui montre que la pratique des affaires, et surtout la gouvernance politique, peuvent aider les économistes, surtout versés dans la théorie, à approfondir les liens entre monnaie, souveraineté monétaire et développement économique et industriel, ce dont a besoin l’Afrique
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