En Afrique, la Chine s’était focalisée sur l’extraction des ressources naturelles, la construction d’infrastructures et les télécommunications. Janvier 2012 semble avoir marqué une nouvelle phase dans la présence chinoise sur le continent noir : l’implantation d’usines fonctionnant avec de la main-d’œuvre locale.
Info-Afrique: Nous en parlions justement lors de la conférence de l’INSECC avec Guy Gweth de Knowdys, un des espoirs pour l’Afrique est que la Chine se mette a délocaliser ses industries en Afrique. Cet article du Journal Le Monde ouvre peut être une porte sur ce thème…Une fabrique de chaussures du groupe Huajian a vu le jour dans la ville de Dukem, à 30 kilomètres d’Addis-Abeba (Ethiopie). L’entreprise, qui compte Calvin Klein parmi ses clients, emploie déjà près de 600 salariés, dont la moitié sont éthiopiens. En bonne marche, elle exporte 20 000 paires de chaussures par mois. Huajian ne cache pas ses ambitions puisqu’il prévoit d’investir 1,5 milliard d’euros dans son site africain.
Et ce n’est que le début. Engagés dans un partenariat public-privé, le gouvernement éthiopien et des investisseurs chinois construisent une zone industrielle entière. A terme, 80 usines et 20 000 emplois pourraient être créés. Cette plateforme de production et d’exportation sera prête à inonder le marché local d’ici à 2014.
« Depuis la suppression des taxes d’importation négociée par Pékin en contrepartie de son aide financière, les produits « made in China » déferlent sur le continent africain. Avec sa croissance démographique, l’Afrique est un bassin de consommation qui incite à produire localement. Il y a donc une place à prendre, mais peu de gens y croient pour le moment », estime Mark Bohlund, spécialiste de l’Afrique subsaharienne chez IHS Global Insight, une société d’analyse économique.
Pourtant, le président de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka, semble en être convaincu. Le 31 mai, à Arusha (Tanzanie), il exhortait les dirigeants africains à saisir l’occasion : « Il s’agit de passer du stade de l’exportation des ressources naturelles à celui d’une exportation de produits manufacturés transformés sur place. » Pour les industriels, en proie à l’augmentation du prix des hydrocarbures qui majore les coûts de production et de transport, la conjoncture semble propice aux délocalisations. D’autant plus que les coûts salariaux sont cinq fois moindres en Afrique subsaharienne qu’en Chine.
Plusieurs secteurs, comme les firmes automobiles, l’ont compris. Début 2012, les chinois Chery Automobiles et Foton Motors ont ouvert le bal en annonçant la construction d’usines au Kenya. Ils ont été suivis par First Automobile Works, qui s’installera en Afrique du Sud et au Cameroun, mais aussi par Brillance, qui vise le Bénin.
Pour donner de l’élan à ces implantations et faire oublier les nombreux obstacles (niveau déplorable des infrastructures, corruption, etc.), les autorités africaines font de généreux efforts. En Ethiopie, le pack de bienvenue aux investisseurs chinois comporte notamment quatre ans d’exonération fiscale, l’électricité gratuite et des terrains bon marché. L’implantation en Afrique offre un atout supplémentaire, rappelait récemment Helen Hai, la vice-présidente de Huajian Group : « Nombre de pays africains jouissent de la possibilité d’exporter sur les marchés européen et américain en étant exemptés de taxes. »
L’implantation en Afrique est donc une stratégie gagnant-gagnant pour les Chinois, qui profitent sur les deux tableaux des règles de la mondialisation. Mais quel sera le bénéfice pour les pays hôtes ? Il est à craindre que la plus grande partie des recettes d’exportation de ces entreprises sous contrôle asiatique soit transférée en Asie. L’Afrique compte pour 14 % de la population mondiale, mais fournit seulement 1 % de la production manufacturière de la planète.
Par Tristan Coloma, « Le Monde »
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