Ayant été consacrée deuxième puissance économique mondiale depuis 2010, la Chine, présentée comme un nouveau modèle de développement, est aujourd’hui un centre d’attraction sans précédent tant des pays en développement (PVD) que des pays développés. Particulièrement pour les PVD, la préférence pour la Chine ne cesse de croître au détriment de « l’Occident » suite à l’opinion selon laquelle la Chine ne s’attache pas particulièrement à des intérêts stratégiques « capitalistes » que les puissances occidentales continuent de manifester souvent « sans scrupule » dans les relations bilatérales.
Selon l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, 60 % des relations commerciales et financières de la plupart des PVD étaient orientées vers l’Occident il y a 20 ans, alors qu’aujourd’hui, elles ne représentent que 30 %, c’est-à-dire moins que les relations que les PVD entretiennent avec les pays émergents.
Peut-on réellement croire en la fiabilité du désintéressement chinois dans les relations bilatérales avec les PVD ? Si cette fiabilité peut être validée, alors la Chine est le « Messie » des PVD ; dans le cas inverse ces derniers sont juste en train de changer de « maître », cette fois-ci en douceur, sans pleurs.
Commençons par préciser le contexte opérationnel chinois, en opposition à celui de « l’Occident ». Les conquêtes occidentales ont été menées dans un environnement faible en lois et conventions internationales, chaque Etat opérant en fonction de sa puissance (nous pensons à la colonisation). Dans la période postcoloniale, alors que les normes internationales s’établissaient, ces mêmes Puissances, favorisées par l’absence de la concurrence, ont su préserver leur domination en imposant la « loi du plus fort ». C’est ainsi que, par exemple, tout pays qui ne respecte pas les normes établies est considéré comme un « Etat voyou, un mauvais élève », etc. L’occident mène donc une politique de préservation.
Les conquêtes chinoises, de leur côté, ont évolué dans un contexte différent : les lois et les conventions internationales se sont établies, et sont désormais garanties par, les grandes puissances, qu’il faut défier pour « conquérir le monde ». Et le seul moyen d’asseoir sa suprématie reste alors celui d’arracher « subtilement » les marchés intérieurs des PVD pour la plupart occupés par les puissances occidentales. Se conformant à ce contexte, la Chine gagne ainsi, petit-à-petit et sournoisement les PVD. Le dragon asiatique est donc en pleine bataille de conquête, et non de préservation. La seule faiblesse de l’Occident dans cette bataille est qu’il n’a pas su s’adapter au nouveau contexte opérationnel ; il court ainsi le risque de céder sa place à la Chine.
Etant donné les différences présentées plus haut, expliquant la politique menée par chacun, il semble que l’opinion des PVD sur la Chine dans cette bataille impériale devrait être reconsidérée, avec une analyse plus profonde et de la prudence.
Regardons à présent ce qui différencie la politique chinoise de celle des occidentaux : dans le marché des biens et services, les occidentaux produisent et distribuent en fonction de leurs niveaux de vie, ce qui rend leurs biens et services difficilement accessibles aux PVD, alors que ces derniers représentent un énorme marché potentiel. La Chine, elle, produit et distribue selon le standing de chaque groupe de pays. Ses produits et services sont alors à la portée de tous, sans exception. Dans le marché des capitaux financiers, l’Occident fixe des conditions politiques et économiques d’éligibilité au prêt ou au financement. Alors que la Chine prête aux États sans conditionnalité et souvent sans intérêts financiers. La plupart de ses partenariats sont établis selon le modèle gagnant-gagnant. En matière d’investissement, le partenariat avec l’occident n’aboutit presque jamais à la construction des lourdes infrastructures économiques dans un PVD ; mais depuis que la Chine est en action, ses réalisations en la matière ne cessent d’attirer, même les occidentaux.
Bien qu’au fond toutes les grandes puissances mondiales restent « impérialistes », les PVD soutiennent que la Chine fait preuve de « bienveillance » dans les relations alors que l’occident reste le « grand impérialiste » trop attaché à ses intérêts stratégiques « capitalistes ». Avec ces plaintes sur les puissances occidentales, il est tout-à-fait plausible que la Chine ait trouvé là son cheval de bataille : elle bâtit son « impérialisme silencieux » avec comme armes « bonne foi », « gentillesse », « désintéressement », etc.
Les PVD doivent s’interroger sérieusement, et ce, sur le long terme au lieu de tisser avec l’État Chinois des liens économico-politiques profonds dont il sera impossible de se débarrasser. Rien n’assure que le Dragon asiatique demeurera dans ce même élan une fois devenu incontestablement première puissance mondiale. Les enjeux changeant automatiquement, tout porte à croire que le nouveau contexte impliquera la politique de la préservation de la suprématie, exactement comme le font les occidentaux actuellement. La loi du plus fort sera imposée, et tout Etat qui constituera une menace pour la Chine, ou qui ne se conformera pas aux principes qu’elle établira sera écrasé sans attendre, ou passera pour un « État voyou » à dompter à tout prix. Il sera impératif pour la Chine d’affaiblir davantage les pays tout en les maintenant captifs afin de continuer à régner. L’histoire se répétera et les pays pauvres se plaindront, pour cette fois, de la Chine.
Dans les relations entre Etats, l’on ne peut prétendre à la bonté ou à la gentillesse, toutes les parties sont sérieusement intéressées. C’est de la pure ruse que de passer pour un État « bon ».
Kyayima Muteba Franklin est économiste à l’université de Kinshasa
Publié en collaboration avec LibreAfrique.org
Peut-on réellement croire en la fiabilité du désintéressement chinois dans les relations bilatérales avec les PVD ? Si cette fiabilité peut être validée, alors la Chine est le « Messie » des PVD ; dans le cas inverse ces derniers sont juste en train de changer de « maître », cette fois-ci en douceur, sans pleurs.
Commençons par préciser le contexte opérationnel chinois, en opposition à celui de « l’Occident ». Les conquêtes occidentales ont été menées dans un environnement faible en lois et conventions internationales, chaque Etat opérant en fonction de sa puissance (nous pensons à la colonisation). Dans la période postcoloniale, alors que les normes internationales s’établissaient, ces mêmes Puissances, favorisées par l’absence de la concurrence, ont su préserver leur domination en imposant la « loi du plus fort ». C’est ainsi que, par exemple, tout pays qui ne respecte pas les normes établies est considéré comme un « Etat voyou, un mauvais élève », etc. L’occident mène donc une politique de préservation.
Les conquêtes chinoises, de leur côté, ont évolué dans un contexte différent : les lois et les conventions internationales se sont établies, et sont désormais garanties par, les grandes puissances, qu’il faut défier pour « conquérir le monde ». Et le seul moyen d’asseoir sa suprématie reste alors celui d’arracher « subtilement » les marchés intérieurs des PVD pour la plupart occupés par les puissances occidentales. Se conformant à ce contexte, la Chine gagne ainsi, petit-à-petit et sournoisement les PVD. Le dragon asiatique est donc en pleine bataille de conquête, et non de préservation. La seule faiblesse de l’Occident dans cette bataille est qu’il n’a pas su s’adapter au nouveau contexte opérationnel ; il court ainsi le risque de céder sa place à la Chine.
Etant donné les différences présentées plus haut, expliquant la politique menée par chacun, il semble que l’opinion des PVD sur la Chine dans cette bataille impériale devrait être reconsidérée, avec une analyse plus profonde et de la prudence.
Regardons à présent ce qui différencie la politique chinoise de celle des occidentaux : dans le marché des biens et services, les occidentaux produisent et distribuent en fonction de leurs niveaux de vie, ce qui rend leurs biens et services difficilement accessibles aux PVD, alors que ces derniers représentent un énorme marché potentiel. La Chine, elle, produit et distribue selon le standing de chaque groupe de pays. Ses produits et services sont alors à la portée de tous, sans exception. Dans le marché des capitaux financiers, l’Occident fixe des conditions politiques et économiques d’éligibilité au prêt ou au financement. Alors que la Chine prête aux États sans conditionnalité et souvent sans intérêts financiers. La plupart de ses partenariats sont établis selon le modèle gagnant-gagnant. En matière d’investissement, le partenariat avec l’occident n’aboutit presque jamais à la construction des lourdes infrastructures économiques dans un PVD ; mais depuis que la Chine est en action, ses réalisations en la matière ne cessent d’attirer, même les occidentaux.
Bien qu’au fond toutes les grandes puissances mondiales restent « impérialistes », les PVD soutiennent que la Chine fait preuve de « bienveillance » dans les relations alors que l’occident reste le « grand impérialiste » trop attaché à ses intérêts stratégiques « capitalistes ». Avec ces plaintes sur les puissances occidentales, il est tout-à-fait plausible que la Chine ait trouvé là son cheval de bataille : elle bâtit son « impérialisme silencieux » avec comme armes « bonne foi », « gentillesse », « désintéressement », etc.
Les PVD doivent s’interroger sérieusement, et ce, sur le long terme au lieu de tisser avec l’État Chinois des liens économico-politiques profonds dont il sera impossible de se débarrasser. Rien n’assure que le Dragon asiatique demeurera dans ce même élan une fois devenu incontestablement première puissance mondiale. Les enjeux changeant automatiquement, tout porte à croire que le nouveau contexte impliquera la politique de la préservation de la suprématie, exactement comme le font les occidentaux actuellement. La loi du plus fort sera imposée, et tout Etat qui constituera une menace pour la Chine, ou qui ne se conformera pas aux principes qu’elle établira sera écrasé sans attendre, ou passera pour un « État voyou » à dompter à tout prix. Il sera impératif pour la Chine d’affaiblir davantage les pays tout en les maintenant captifs afin de continuer à régner. L’histoire se répétera et les pays pauvres se plaindront, pour cette fois, de la Chine.
Dans les relations entre Etats, l’on ne peut prétendre à la bonté ou à la gentillesse, toutes les parties sont sérieusement intéressées. C’est de la pure ruse que de passer pour un État « bon ».
Kyayima Muteba Franklin est économiste à l’université de Kinshasa
Publié en collaboration avec LibreAfrique.org
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