L’initiative de Pékin des nouvelles routes de la soie ouvre les portes du continent africain à une pléiade de marques encore peu connues hors de Chine.
Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Pékin)
En Chine, aucun contrat d’affaires digne de ce nom ne peut se conclure sans quelques verres de baiju, un alcool à base de sorgho qui affiche plus de 50 degrés. Une particularité chinoise qui, du fait des volumes de contrats signés entre la Chine et l’Afrique, entend couler à flot sur le continent.
La plus grande marque, Kweichow Moutai, a ainsi ouvert en Afrique du Sud ses premiers bureaux fin 2017. « Une porte d’entrée vers le continent africain », a expliqué le directeur général de ce groupe qui pèse 120 milliards de dollars, Li Baofang. Prochaine étape : la Namibie et le Mozambique. Les expatriés chinois sont évidemment une cible pour Moutai, mais le groupe espère également séduire une clientèle africaine de plus en plus tournée vers la Chine et les produits chinois haut de gamme. Exit donc la mauvaise réputation du made in China.
Par ailleurs, en Afrique du Sud, au Kenya et à Maurice, 90 % des distributeurs acceptent désormais les cartes émises par la société Union Pay. Le groupe de Pékin a signé un accord avec la filiale africaine de Barclays pour émettre cinq millions de nouvelles cartes dans dix pays anglophones d’Afrique, notamment le Ghana, Maurice et le Botswana. Au Kenya, Alipay travaille en coopération avec le groupe bancaire KCB pour là encore diffuser ses moyens de paiement le long des routes africaines de la soie.
Comme pour Moutai, ce sont d’abord les expatriés et les touristes chinois qui sont visés, mais l’objectif à terme est de toucher les clients africains et d’imposer ces marques hors de Chine. C’est la même ambition qui a conduit le fabriquant de téléphones portables Huawei à accélérer son développement en Afrique. Pionnier sur le continent où il est présent depuis 1998, le groupe de télécommunications a aujourd’hui des bureaux dans quarante pays d’Afrique.
En Afrique, la classe moyenne atteint déjà 350 millions de personnes selon la Banque africaine de développement, soit autant qu’en Chine continentale. Une cible de choix pour ces entreprises qui y voient une opportunité de s’ouvrir à l’international et profiter des nouveaux espaces de diffusion qu’offrent les routes de la soie. « On peut parler de l’Afrique comme d’une “zone d’influence” chinoise, explique Peter Fabricius, consultant au sein de l’Institut des études sur la sécurité en Afrique du Sud. Alors que les Etats-Unis de Donald Trump sont en retrait, la Chine entend capitaliser sur son influence économique et imposer ses marques ».
De nombreuses entreprises se sont engouffrées dans la brèche. « Nous voyons une diversification des opportunités qui vont désormais bien au-delà de l’exploitation des matières premières et des infrastructures et qui sont portées par des entreprises privées, précise Benjamin Barton, professeur de relations internationales à Kuala Lumpur. Il faut s’attendre à voir de plus en plus de Chinois s’installer en Afrique », transportant avec eux leur mode de vie et de consommation.
LE MONDE
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L’initiative des nouvelles routes de la soie est, pour de nombreuses entreprises chinoises, l’occasion de percer sur le continent africain. Ce projet, initié par le président chinois Xi Jinping en 2013, a donné un nouvel élan à la relation Chine-Afrique en associant notamment l’Ethiopie, l’Egypte, le Kenya, l’Afrique du Sud et plus récemment le Maroc.
La construction d’infrastructures de transports comme la ligne de chemin de fer Nairobi-Mombasa au Kenya, un investissement de 4 milliards de dollars (3,26 milliards d’euros) inauguré en 2017, a ouvert de nouvelles routes commerciales en Afrique de l’Est. L’objectif principal de la Chine est de faire du continent africain une plate-forme de production vers l’Europe et de fluidifier le transport de matières premières du continent africain vers l’empire du Milieu. La banque mondiale évalue à 86 millions le nombre d’emplois qui pourraient être ainsi créés par les entreprises chinoises en Afrique, dont une grande partie sera occupée par des Chinois.Les expatriés et les touristes chinois, première cible
Dans les bagages des expatriés chinois – déjà estimés à 1 à 2 millions en Afrique – on retrouve certaines de leurs habitudes de consommation. Prenez le baiju. Cette liqueur si prisée dans l’empire du Milieu se vend désormais jusqu’en Afrique !En Chine, aucun contrat d’affaires digne de ce nom ne peut se conclure sans quelques verres de baiju, un alcool à base de sorgho qui affiche plus de 50 degrés. Une particularité chinoise qui, du fait des volumes de contrats signés entre la Chine et l’Afrique, entend couler à flot sur le continent.
La plus grande marque, Kweichow Moutai, a ainsi ouvert en Afrique du Sud ses premiers bureaux fin 2017. « Une porte d’entrée vers le continent africain », a expliqué le directeur général de ce groupe qui pèse 120 milliards de dollars, Li Baofang. Prochaine étape : la Namibie et le Mozambique. Les expatriés chinois sont évidemment une cible pour Moutai, mais le groupe espère également séduire une clientèle africaine de plus en plus tournée vers la Chine et les produits chinois haut de gamme. Exit donc la mauvaise réputation du made in China.
Lire aussi : La Chine se détourne-t-elle de l’or noir africain ?
Autre marque à faire son apparition sur les routes de la soie : Alipay. On connaît peu en Occident ce moyen de paiement apparu bien après Visa et American Express. Pourtant Alipay est déjà le plus gros émetteur de cartes de paiement au monde avec un demi-milliard d’utilisateurs en Chine ! Créée en 2002, Alipay est arrivé en Afrique en 2016 et couvre aujourd’hui 48 pays sur le continent.Par ailleurs, en Afrique du Sud, au Kenya et à Maurice, 90 % des distributeurs acceptent désormais les cartes émises par la société Union Pay. Le groupe de Pékin a signé un accord avec la filiale africaine de Barclays pour émettre cinq millions de nouvelles cartes dans dix pays anglophones d’Afrique, notamment le Ghana, Maurice et le Botswana. Au Kenya, Alipay travaille en coopération avec le groupe bancaire KCB pour là encore diffuser ses moyens de paiement le long des routes africaines de la soie.
Comme pour Moutai, ce sont d’abord les expatriés et les touristes chinois qui sont visés, mais l’objectif à terme est de toucher les clients africains et d’imposer ces marques hors de Chine. C’est la même ambition qui a conduit le fabriquant de téléphones portables Huawei à accélérer son développement en Afrique. Pionnier sur le continent où il est présent depuis 1998, le groupe de télécommunications a aujourd’hui des bureaux dans quarante pays d’Afrique.
La classe moyenne africaine visée à terme
D’autres marques font aussi leur apparition progressive sur le continent. C’est le cas de Xiaomi, un autre fabricant de téléphones portables et d’appareils électroniques, du groupe Tencent WeChat qui là encore propose de nouveaux moyens de paiement par smartphone en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya, ou encore des marques automobiles comme BYD au Maroc ou Haval en Algérie.En Afrique, la classe moyenne atteint déjà 350 millions de personnes selon la Banque africaine de développement, soit autant qu’en Chine continentale. Une cible de choix pour ces entreprises qui y voient une opportunité de s’ouvrir à l’international et profiter des nouveaux espaces de diffusion qu’offrent les routes de la soie. « On peut parler de l’Afrique comme d’une “zone d’influence” chinoise, explique Peter Fabricius, consultant au sein de l’Institut des études sur la sécurité en Afrique du Sud. Alors que les Etats-Unis de Donald Trump sont en retrait, la Chine entend capitaliser sur son influence économique et imposer ses marques ».
De nombreuses entreprises se sont engouffrées dans la brèche. « Nous voyons une diversification des opportunités qui vont désormais bien au-delà de l’exploitation des matières premières et des infrastructures et qui sont portées par des entreprises privées, précise Benjamin Barton, professeur de relations internationales à Kuala Lumpur. Il faut s’attendre à voir de plus en plus de Chinois s’installer en Afrique », transportant avec eux leur mode de vie et de consommation.
Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.
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