Pourquoi l'Afrique ne sera pas dès demain la nouvelle Chine
Par pour La Voix du Nord, Publié le 07/12/2013
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Pour réussir en Afrique les entreprises "vont devoir se réinventer", et surtout estimer à sa juste valeur le marché africain, explique à l'AFP Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement (BAD).
"L'Africain aujourd'hui même au fin fond du Rwanda a accès à l'internet, le fermier a son téléphone. Ceci nous a permis de faire un saut important. Aujourd'hui l'Africain moyen a des attentes plus élevées car il est mieux informé", prévient M. Kaberuka. Une situation donc différente de celle de la Chine ou de l'Inde il y a quelques années.
La France a consacré cette semaine deux sommets à sa relation avec l'Afrique, l'un axé sur les questions de paix et de sécurité, et un autre, le premier du genre, à la "refondation" des relations économiques avec le continent.
Pour Serge Blanchard, de la société de conseil OC&C Strategy, la relation économique avec l'Afrique fera aux services une part bien plus importante que celle avec les grands pays émergents, basée surtout sur le secteur manufacturier.
"Le modèle de développement africain ne sera pas le modèle chinois, celui d'un nouvel +atelier du monde+" avec "des usines d'assemblage de 50.000 personnes", assure-t-il.
Moins tranché, M. Kaberuka n'exclut pas un transfert vers le continent africain de certaines productions.
"L'Afrique devient intéressante"
"Si la Chine se reconcentre sur la consommation interne plus que le marché extérieur, il faut qu'elle augmente les salaires (...) et tout de suite pour certaines entreprises l'Afrique devient intéressante", dit-il, ajoutant: "Je le vois déjà surtout en Ethiopie".
"S'il doit y avoir ce boom de l'Afrique, cela commencera par le textile", prédit-il encore.
Mais le président de la BAD assure que l'Afrique suivra un chemin de développement propre, marqué par plusieurs caractéristiques: une démographie "qui explose", une population extrêmement jeune, en pleine urbanisation, très connectée, et aussi l'existence sur le continent d'importantes ressources énergétiques et minières.
M. Kaberuka estime par ailleurs que le développement de l'Afrique passera moins par la sous-traitance pure et dure, que par la "co-localisation", c'est-à-dire l'éclatement de la chaîne de production des entreprises sur plusieurs continents, via des co-entreprises.
"Les stratégies de développement vont se faire avec du contenu local", prévoit aussi M. Blanchard, qui juge que "la co-localisation va beaucoup plus être le modèle que l'import-export" traditionnel.
Pour lui, l'essor africain passera "beaucoup plus par la consommation, les services, dans l?éducation, dans les télécommunications".
Et d'ajouter que "le grand préambule à tout cela, c'est qu'il faut accepter de faire du cas par cas".
Car, comme le souligne aussi M. Kaberuka, "on parle de l'Afrique, mais nous sommes 54 pays", dont l'hétérogénéité fait d'ores et déjà la limite du "miracle africain" annoncé par certains.
L'ensemble des pays africains totalise aujourd'hui 1 milliard d'habitants, mais ils ne peuvent être considéré comme un seul espace économique à l'image de la Chine (1,3 milliard) ou de l'Inde (1,2 milliard).
Ainsi l'Afrique du Sud, mise sur le même rang que la Chine, le Brésil, l'Inde et la Russie dans le groupe des plus grands émergents, les BRICS, ne pèse au final que 0,70% du PIB mondial.
Pour le président de la BAD, l'un des plus grands défis du continent sera justement de serrer les rangs pour peser davantage: "Toute action qui consiste à nous rassembler sur le plan économique, par des routes, des chemins de fer, de la fibre optique, pour moi c'est capital".
Certains spécialistes de l'Afrique mettent toutefois en garde contre un optimisme outrancier à propos du continent, qui le fait passer sans transition du statut d'une terre de misère à celui de nouvel Eldorado, ainsi le professeur français de sciences politiques Dominique Darbon.
Via le site de vulgarisation Thinkovery, il dénonce ainsi ce "nouveau discours" qui ne veut plus voir en Afrique "que des consommateurs" et qui réduit les plus démunis au rang de "mauvais pauvres" ou "réserve la pauvreté aux états d'urgence humanitaire".
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