Les économies d'Afrique subsaharienne vont devoir s'adapter aux nouvelles orientations de la Chine. C'est ce qui ressort de la récente étude de l'assureur-crédit français la Coface.
Par Marlène Panara
Publié le - Modifié le | Le Point Afrique
La relation commerciale entre la Chine et l'Afrique n'est plus vraiment au beau fixe. Pourtant premier partenaire commercial du continent devant les États-Unis, la Chine a diminué ses importations africaines. Pire, depuis le choc pétrolier de 2014 et la forte baisse du prix du baril, les exportations du continent vers l'empire du Milieu ont chuté de 51 %. De 111,7 milliards de dollars en 2014, elles sont passées à 54,8 en 2016. En cause, le ralentissement de l'activité économique chinoise, mais également la réorientation du modèle de croissance vers la consommation privée. Une situation qui affaiblit la demande en matières premières africaines. Et c'est là que le bât blesse : l'Afrique est trop dépendante de ses exportations. En 2016, les pays d'Afrique subsaharienne affichaient un coefficient de dépendance aux exportations plus élevé que les autres nations émergentes.
Sur une échelle de 0 à 1, le taux africain s'élève à 0,24 quand celui de l'Asie du Sud-Est, principale partenaire de la Chine, est de 0,16. Pour le trio Russie-Brésil-Inde, il est de 0,19. Cette dépendance se concentre surtout autour des exportations de pétrole brut, ce qui rend les pays exportateurs doublement vulnérables : ils pâtissent des réorientations économiques chinoises, en plus de la baisse du prix de l'or noir.
Diversifier ses exportations, clé d'une « relation gagnant-gagnant »
Pour rester dans la course, l'Afrique doit s'adapter : diversifier ses exportations est une des pistes proposées par les auteurs de l'étude de Coface. Plutôt que des matières brutes, ils préconisent l'exportation de matières transformées. « En plus de réduire l'indépendance de l'Afrique à la Chine, cette réorientation pourrait susciter l'intérêt d'autres puissances, explique Ruben Nizard, économiste en charge de l'Afrique subsaharienne chez l'assureur-crédit français. La République démocratique du Congo et la Zambie ont amorcé des initiatives en ce sens. »
Autre secteur à développer, l'exportation du bois brut. D'après l'économiste, la Gambie et le Nigeria ont commencé à explorer cette piste, ainsi que quelques pays d'Afrique de l'Ouest. Le Togo va par exemple lancer un immense projet d'agropole à Kara, dans le nord du pays, pour développer les chaînes de valeurs de plusieurs productions agricoles.
Encore confidentielle, mais à souligner, la piste de l'exportation manufacturière. L'Éthiopie fait figure de bonne élève dans ce domaine, grâce à la création de hubs dédiés. Une initiative à saluer, même s'il est « encore tôt pour envisager des répercussions sur la croissance du pays à court terme », admet Ruben Nizard.
Repenser les investissements chinois
Plus difficile, la diversification des investissements directs à l'étranger (IDE) et des prêts en provenance de la Chine. « Aujourd'hui, la plupart des grands prêts se font dans les domaines de l'énergie et des infrastructures. Cette situation est difficile à changer, car ces investissements répondent aussi à un besoin africain », reconnaît l'économiste.
Quelques pays d'Afrique tentent tout de même de faire bouger les lignes. « Des pays comme le Kenya, l'Éthiopie ou l'île Maurice ont réussi à engendrer des investissements dans des projets de transformation de matières premières, souligne Ruben Nizard. Ces pays, s'ils engagent un véritable développement des exportations dans ce secteur, seront donc moins exposés aux fluctuations des prix des matières premières. » Un axe de développement par ailleurs vecteur d'emploi, si les investisseurs chinois sont prêts à concéder de la place aux travailleurs africains. Des interventions politiques seront donc nécessaires, à l'instar de « la République du Congo, qui a décrété que seulement un employeur sur cinq sera de nationalité chinoise au sein des entreprises chinoises du pays », affirme Ruben Nizard.
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