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lundi 7 mars 2016

La France veut monter dans le train de la Chinafrique

La France veut monter dans le train de la Chinafrique

Monde.fr

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Le président chinois Xi Jinping lors du forum Chine-Afrique à Johannesburg en décembre 2015.
Le président chinois Xi Jinping lors du forum Chine-Afrique à Johannesburg en décembre 2015. Crédits : MUJAHID SAFODIEN / AFP

Une réunion du Medef international le 15 février à Paris, un colloque à l’Assemblée nationale organisé par la CICA ( Chambre internationale de commerce africaine) début mars et enfin, le 13 avril prochain à Pékin, une rencontre entre représentants français, chinois et africains sous l’égide du comité France-Chine du patronat français. Le programme est chargé pour la mise en place de cette coopération tripartite France-Chine-Afrique, avant la grande réunion politique de Dakar qui doit réunir cette année le président sénégalais Macky Sall, le premier ministre français Manuel Valls, le Chinois Li Keqiang et plusieurs représentants africains.

Initialement prévue le 19 mai, cette rencontre a dû être reportée officiellement pour raison d’agendas. Officieusement, Français et Chinois ont encore du mal à se mettre d’accord sur la partition… Mais, promis, le sommet aura bien lieu au Sénégal autour de l’été prochain.

« La Chine, premier partenaire commercial de l’Afrique »

Séduisante, l’affaire n’est pourtant n’est pas si nouvelle. « Le comité France-Chine a commencé à travailler sur les coopérations franco-chinoises en Afrique et sur les opportunités dès 2009, année où la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique, explique Sybille Dubois-Fontaine Turner, directrice générale du comité France-Chine. Les partenaires français, chinois et africains doivent se concentrer sur leurs complémentarités. L’Afrique identifie ses besoins, la France amène des garanties de respect des normes, d’éthique et de qualité et la Chine fournit des financements. »

Le coup d’accélérateur est venu de la déclaration conjointe signée en juin 2015 par Li Keqiang et Manuel Valls sur « les investissements en marché tiers ». En clair, un partenariat franco-chinois sur les marchés étrangers à commencer évidemment par l’Afrique. « C’est la première fois que la Chine signe un tel partenariat », nous explique-t-on. Un signal fort de la volonté chinoise de travailler avec la France, notamment en Afrique subsaharienne et au Maghreb, là où les investissements chinois sont moins importants qu’en Afrique de l’Est et du Sud notamment.

Un ambassadeur français en charge de la relation sino-africaine

La France a même nommé pour coordonner cette politique un ambassadeur en charge de la relation sino-africaine. Il s’agit de François Barateau, ancien ambassadeur de France en Guinée équatoriale.

« La France a fait part de ses attentes au gouvernement chinois, mais on attend toujours un retour officiel, explique-t-on au Medef. Chacun attend que l’autre fasse un premier geste. Les sommes avancées par la Chine semblent beaucoup trop importantes par rapport aux enjeux et elles ont été revues à la baisse. » Pour mettre en musique cette coopération « tripartite », un fonds spécifique est en effet en gestation. La poire a finalement été coupée en deux et ce sont deux milliards d’euros, selon nos informations, qui seront gérés conjointement par le Fonds souverain chinois CIC d’un côté et la Caisse des dépôts internationale de l’autre pour financer des projets sino-français en Afrique.

Gouvernements chinois, français, africains, Trésor français, fonds souverain chinois, Medef international, comité France-Chine… On se perd déjà dans le chantier de ce mécano. « Il y a pourtant un intérêt important pour des entreprises françaises de travailler avec des entreprises chinoises comme sous-traitant par exemple pour des questions de solvabilité, explique sous couvert de l’anonymat l’un des architectes de ce projet . Les entreprises chinoises ont obtenu de gros marchés que les Français n’auraient pas obtenu seuls. »

Pour la Chine aussi l’enjeu est important. Hormis le flot de dollars déversé chaque année par le biais de grands contrats d’infrastructures et de ses organismes publics de crédits, les « investissements directs étrangers » (IDE) restent faibles. « 3 % seulement du total des IDE en Afrique sont chinois » explique une spécialiste des investissements chinois à l’étranger. Par comparaison, la Chine investit actuellement bien plus en Amérique du Sud qu’elle ne le fait en Afrique, promettant même 250 milliards d’investissements dans les dix prochaines années, soit bien plus que les promesses faites lors du Forum de coopération sino-africain en décembre à Johannesburg.

« L’Afrique peut se targuer d’avoir attiré un montant record d’investissements directs étrangers (IDE), ces derniers représentant 60 milliards de dollars en 2014, soit cinq fois plus qu’en 2000, souligne un rapport de la Banque mondiale. L’investissement direct étranger en provenance de Chine a par exemple augmenté de 3,5 milliards de dollars en 2013 et la plupart des pays africains en ont bénéficié. » Ce sont ces financements directs qui doivent être au cœur de cette coopération tripartite.

« Ce qui me pose problème, c’est le côté sémantique de la chose, tempère Thierry Pairault, directeur de recherches au CNRS et spécialiste des questions Chine-Afrique. On a assemblé trois éléments très différents. L’Afrique est un ensemble de 54 pays ; la France est un pays nation qui est sous la tutelle de l’Europe et de l’OCDE avec des entreprises françaises sur lesquelles le gouvernement a peu de poids car ce sont des entreprises privées. Tout cela est très différent de la Chine qui a des relations avec ses entreprises comme la France des années 1950. Aujourd’hui, une entreprise comme Total est affranchie du gouvernement français. C’est très différent d’une entreprise comme Sinopec en Chine. Il y a aussi des ambiguïtés dans cette coopération tripartite : est-ce une alliance stratégique ? Une aide ? On ne sait pas ce que l’on veut mettre en exergue. Autre ambiguïté : l’Afrique. S’agit-il des gouvernements, des entreprises ?… Tout cela n’est donc encore pas très clair selon moi. »

« L’objectif n’est pas d’arriver en Afrique en terrain conquis, justifie un responsable français du projet. Mais bien de travailler à trois. Nous serons invités à Dakar. Il y a donc une demande du côté africain. Les Chinois sont très conscients de ce risque de mauvaise image néocoloniale. »

Du côté de l’Afrique, en revanche, c’est le grand flou. Si officiellement Dakar est à l’origine de cette première conférence, on ne sait rien de plus sur les attentes du continent qui ne saurait d’ailleurs se résumer à l’Afrique francophone. « L’Afrique n’est pas la grande perdante si elle est à la manœuvre, conclut Thierry Pairault. Mais souvent, elle n’a pas de stratégie de développement bien définie. En Algérie par exemple, il y a une stratégie avec des demandes précises faîtes à la Chine. Même chose en Angola où le gouvernement a pris les choses en mains. » Et dans ce jeu de go à trois, la France et la Chine semblent déjà avoir une bonne longueur d’avance sur l’échiquier africain.

Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica.info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.

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