Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Hongkong)
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Des indicateurs économiques dans le rouge, des places boursières qui dévissent et la crainte d’une nouvelle baisse de la demande chinoise en matières premières : les nuages s’accumulent en ce début d’année sur la relation Chine-Afrique. Pour l’économiste américaine Aubrey Hruby, nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère au cours de laquelle l’Afrique devra restructurer son économie et diversifier ses partenaires. Un mois tout juste après le sommet Chine-Afrique de Johannesburg au cours duquel la Chine a annoncé 60 milliards de dollars d’investissements en Afrique, la cofondatrice du réseau AXN, Africa Expert Network revient sur la nature des relations entre la puissance émergente et le continent africain. Entretien.
Sur quels types de lien repose la relation Chine-Afrique au niveau économique ?Typiquement, il s’agit d’entreprises publiques chinoises qui financent et construisent des infrastructures sur le continent africain en échange de concessions sur les matières premières, sur les terres, ou de prêts à taux négociés. L’Afrique a besoin d’infrastructures et la Chine de ressources naturelles pour alimenter son industrialisation et son économie, de sorte que cette relation est mutuellement bénéfique.
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On a pu voir à lors du dernier sommet organisé à Johannesburg que la Chine était prête à investir encore davantage – 60 milliards de dollars – et c’est une bonne chose pour l’Afrique car les Chinois investissent là où les autres ne vont pas.
Cependant, le ralentissement économique chinois pèse lourdement sur l’Afrique.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), une baisse d’un point de l’investissement chinois en Afrique provoque en moyenne une baisse de 0,6 % des exportations africaines. C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale a revu à la baisse les prévisions de croissance de l’Afrique qui sont passées de 4,6 % en 2014 à 3,7 % 2015. C’est la plus faible croissance dans la région depuis 2009. Cette crise relative exige de nouvelles réponses des dirigeants africains qui doivent restructurer leurs économies et miser sur la productivité. C’est déjà le cas en Afrique de l’Est et le reste de l’Afrique doit en tirer les leçons. Le point essentiel concerne la création d’emplois. Ces investissements doivent générer des emplois stables pour la jeunesse africaine, faute de quoi ils n’auront servi à rien.Le principal écueil de cette relation Chine-Afrique demeure le manque de transparence. Il y a de très nombreux canaux de financements, via notamment la banque du commerce extérieur chinoise, la banque asiatique d’infrastructures ou le fonds de développement sino-africain. Mais tout cela reste souvent opaque. Je ne pense pas que la Chine imagine vraiment être remboursée un jour de tous les prêts faits à Afrique. Compte tenu de sa puissance économique, tirer un trait sur des créances ne serait pour elle pas très grave. En revanche, il est essentiel que l’Afrique ne continue pas seulement à travailler avec la Chine mais s’ouvre à tous les partenaires possibles comme la Turquie, l’Inde, la Corée du Sud ou le Brésil.
Il existe beaucoup de confusion sur la réalité des investissements étrangers en Afrique ?
Effectivement, si la Chine est bien le premier partenaire commercial de l’Afrique, les Etats- Unis restent numéro un en termes d’investissements directs étrangers, avec 6,3 % des 54 milliards de dollars d’investissements directs réalisés en 2014. Des entreprises comme GE, Procter & Gamble, Mastercard et Marriot y investissent beaucoup. La Chine, quant à elle, n’arrive qu’au septième rang, même si des entreprises comme Huawei sont devenues incontournables. Si vous prenez le Brésil, la Russie et l’Inde, ils investissent collectivement en Afrique davantage que la Chine. En 2013, par exemple, la Malaisie était le premier pays d’Asie en termes d’investissements directs étrangers sur le continent.
Et quel est l’impact pour les entreprises chinoises de ces investissements ?
La Chine profite de l’ouverture de ce nouveau marché où vit plus d’un milliard d’habitant pour écouler ses produits. Mais il faut distinguer les investissements privés des investissements publics. Pour ceux-là, la Chine prête de l’argent chinois pour payer des entreprises chinoises. Ce sont elles qui construisent les infrastructures dont l’Afrique a besoin. Vous savez, la Chine ne croit pas en la charité. Quand elle prête aux pays africains, elle sait très bien qu’elle finance ses propres entreprises et paie ses propres ouvriers. Mais cela à terme peut créer un cercle vertueux car ces routes, ces ports et ces aéroports profitent à tous.
Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica.info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.
Sébastien Le Belzicchroniqueur Le Monde Afrique, Hongkong
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