l'engouement indien pour l'Afrique demeure
Mai 2011, Addis-Ababa. L'ancien premier ministre indien Manmohan Singh et l'ex-président de l'UA Jean-Ping à la cérémonie d'inauguration du deuxième sommet Inde-Afrique.AFP
L’Inde veut rattraper son retard en Afrique devenue la « dernière frontière » de l’économie globalisée. C’est dans le contexte de cette nouvelle « ruée sur l’Afrique » que le gouvernement indien vient de proclamer les dates du troisième sommet Inde-Afrique qui se tiendra en décembre prochain. L’ombre du sommet Etats-Unis /Afrique qui s’est déroulé début août comme celle du sommet Chine/Afrique (FOCAC) programmé pour 2015 ne manqueront pas de peser sur la rencontre de New Delhi.
Située dans la périphérie de New Delhi, la nouvelle ville de Gurgaon, qui abrite les bureaux de nombreuses multinationales indiennes et étrangères, est l’un des plus grands centres d’affaires de l’Inde. C’est dans cette ville nouvelle que se tiendra, du 1 au 4 décembre prochain, le troisième sommet indo-africain. L’annonce en a été faite au Parlement indien par le ministre des Affaires étrangères Sushma Swaraj.
Programmée initialement pour le mois de juin, cette rencontre avait dû être reportée en raison des élections législatives. Celles-ci ont vu l’ancienne opposition hindouiste contraindre la coalition dirigée par le parti du Congrès -aux manettes depuis dix ans-, à mordre la poussière. Un nouveau gouvernement est en place à New Delhi depuis à peine 100 jours. Le « India-Africa Forum summit » (IAFS) qui se propose de réunir les 54 chefs d’Etats et de gouvernements africains sera le premier grand rassemblement international que les nouveaux dirigeants indiens vont organiser.
Non-ingérence et dépendance énergétique
Le premier IAFS s’est tenu en 2008 à New Delhi, sur le modèle des rencontres Chine-Afrique institutionnalisées depuis le tournant du millénaire (2000). Tout comme son voisin outre-himalayen, l’Inde a le souci de sécuriser ses approvisionnements en énergie et en ressources minérales qui conditionnent la soutenabilité de sa croissance et de son développement industriel. Avec une dizaine de chefs d’Etats africains présents à New Delhi à cette occasion et un total d’une quarantaine de pays représentés, ce premier Sommet avait permis de créer un environnement propice à l’accélération des collaborations entre le géant de l’Asie du sud et le continent africain. C’est au siège de l’Union africaine, dans la capitale éthiopienne, que s’est déroulé en 2011 le deuxième sommet indo-africain. Seize chefs d’Etats africains avaient fait le déplacement à Addis Abeba à cette occasion.
New Delhi mise sur sa nouvelle visibilité diplomatique grâce à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement aux convictions nationalistes et aux positions plus agressives sur le plan international, pour persuader les chefs d’Etats africains d’assister plus nombreux à la troisième édition de l’IAFS. Tous les pays ont été invités ou le seront, l’Inde ayant fait de la non-ingérence dans les affaires intérieures de ses partenaires en affaires un principe sacro-saint. Cela ne l’avait pas toutefois empêché de suspendre son aide au régime malgache pendant la crise constitutionnelle qu’a connue récemment la Grande île. Sur ce plan, l’Inde préfère en général maintenir une attitude de neutralité, refusant de dicter ses normes démocratiques à ses partenaires commerciaux.
Un engagement de longue haleine
En 1961, Jawaharlal Nehru fut le premier chef du gouvernement indien à se rendre en Afrique. Il faudra ensuite attendre 46 ans pour qu’une nouvelle visite de ce niveau ait lieu. En effet, c’est seulement en 2006 que l’ancien Premier ministre indien Manmohan Singh a effectué une visite d’Etat au Nigeria, second partenaire africain de New Delhi après l’Afrique du Sud. Le choix du Nigeria n’était pas fortuit, car avec quelque 30% de la production quotidienne de brut nigérian partant vers l’Inde, ce pays est devenu l’un des principaux fournisseurs du pétrole de New Delhi.
Outre les matières premières africaines, l’Inde s’intéresse également à l’Afrique comme débouché pour ses produits et ses services, notamment dans les domaines de l’agro-alimentaire, des machines outils, des matériels informatiques et des produits pharmaceutiques. L’Afrique exporte pour sa part, outre le pétrole et le charbon, l’or, le diamant, ainsi que tout un éventail de minerais dont l’industrie indienne a besoin. Le chiffre d’affaires du commerce indo-africain s’élève à quelque 70 milliards de dollars et devrait, selon les prévisions, dépasser la barre de 100 milliards de dollars en 2015. L’Inde est loin derrière la Chine dont les échanges bilatéraux avec l'Afrique s'élèvent à 210,2 milliards de dollars.
Le secteur privé très actif aussi sur le continent
Si les autorités indiennes ont pris tardivement conscience du nouvel eldorado que représente le continent noir pour leurs investisseurs dans le contexte de la globalisation, les entreprises indiennes pour leur part ont pris langue avec l’Afrique depuis belle lurette. Le groupe indien Tata qui fait des affaires en Afrique depuis les années 1960 est souvent cité en exemple d’un engagement de longue haleine. Ce conglomérat a investi dans une très large gamme d’activités, allant de la sidérurgie aux télécommunications, en passant par l’hôtellerie et l’automobile.
Les investissements directs par les entreprises indiennes sont évalués entre 30 et 50 milliards de dollars, répartis sur un grand nombre de pays. Tata n’est d’ailleurs pas la seule entreprise indienne à prospérer en Afrique. Ce dynamisme du secteur privé indien en Afrique contraste avec l’engagement économique chinois porté par l’Etat et les entreprises publiques. « A la base, les investissements chinois ont souvent un mécanisme de négociation d’Etat à Etat, savamment orchestré autour des flux de financements, quand les investisseurs indiens sont mus avant tout par les agents privés », lit-on dans le rapport de l’AFD sur L’Afrique et les grands émergents, paru en 2013.
Une nouvelle impulsion
Entré en scène dans les années 2000, l’Etat indien tente d’encadrer les relations entre l’Inde et l’Afrique en les inscrivant dans une vision à long terme. Tel a été l’objectif des sommets indo-africains dont les deux premières éditions se sont traduites par l’annonce de grandes initiatives (ex : projet de réseau internet pan-africain, création de diverses institutions de formation professionnelle) et des engagements financiers sous forme de prêts dont le montant cumulé depuis 2008 s’élève à 10,4 milliards de dollars. Tout en assurant que l’Inde compte bien honorer les engagements pris par le précédent gouvernement, le nouveau pouvoir, de sensibilité ultralibérale, veut donner une nouvelle impulsion aux relations indo-africaines en orientant les investissements publics vers des secteurs qui offrent des opportunités à long terme aux entreprises indiennes. Il veut aussi rendre ces rencontres plus professionnelles. Le choix de tenir le sommet dans une ville dédiée au business et aux multinationales plutôt qu’à New Delhi, la capitale politique, témoigne du souci des dirigeants indiens de mieux capter les fruits de la croissance africaine.
Programmée initialement pour le mois de juin, cette rencontre avait dû être reportée en raison des élections législatives. Celles-ci ont vu l’ancienne opposition hindouiste contraindre la coalition dirigée par le parti du Congrès -aux manettes depuis dix ans-, à mordre la poussière. Un nouveau gouvernement est en place à New Delhi depuis à peine 100 jours. Le « India-Africa Forum summit » (IAFS) qui se propose de réunir les 54 chefs d’Etats et de gouvernements africains sera le premier grand rassemblement international que les nouveaux dirigeants indiens vont organiser.
Non-ingérence et dépendance énergétique
Le premier IAFS s’est tenu en 2008 à New Delhi, sur le modèle des rencontres Chine-Afrique institutionnalisées depuis le tournant du millénaire (2000). Tout comme son voisin outre-himalayen, l’Inde a le souci de sécuriser ses approvisionnements en énergie et en ressources minérales qui conditionnent la soutenabilité de sa croissance et de son développement industriel. Avec une dizaine de chefs d’Etats africains présents à New Delhi à cette occasion et un total d’une quarantaine de pays représentés, ce premier Sommet avait permis de créer un environnement propice à l’accélération des collaborations entre le géant de l’Asie du sud et le continent africain. C’est au siège de l’Union africaine, dans la capitale éthiopienne, que s’est déroulé en 2011 le deuxième sommet indo-africain. Seize chefs d’Etats africains avaient fait le déplacement à Addis Abeba à cette occasion.
New Delhi mise sur sa nouvelle visibilité diplomatique grâce à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement aux convictions nationalistes et aux positions plus agressives sur le plan international, pour persuader les chefs d’Etats africains d’assister plus nombreux à la troisième édition de l’IAFS. Tous les pays ont été invités ou le seront, l’Inde ayant fait de la non-ingérence dans les affaires intérieures de ses partenaires en affaires un principe sacro-saint. Cela ne l’avait pas toutefois empêché de suspendre son aide au régime malgache pendant la crise constitutionnelle qu’a connue récemment la Grande île. Sur ce plan, l’Inde préfère en général maintenir une attitude de neutralité, refusant de dicter ses normes démocratiques à ses partenaires commerciaux.
Un engagement de longue haleine
En 1961, Jawaharlal Nehru fut le premier chef du gouvernement indien à se rendre en Afrique. Il faudra ensuite attendre 46 ans pour qu’une nouvelle visite de ce niveau ait lieu. En effet, c’est seulement en 2006 que l’ancien Premier ministre indien Manmohan Singh a effectué une visite d’Etat au Nigeria, second partenaire africain de New Delhi après l’Afrique du Sud. Le choix du Nigeria n’était pas fortuit, car avec quelque 30% de la production quotidienne de brut nigérian partant vers l’Inde, ce pays est devenu l’un des principaux fournisseurs du pétrole de New Delhi.
Outre les matières premières africaines, l’Inde s’intéresse également à l’Afrique comme débouché pour ses produits et ses services, notamment dans les domaines de l’agro-alimentaire, des machines outils, des matériels informatiques et des produits pharmaceutiques. L’Afrique exporte pour sa part, outre le pétrole et le charbon, l’or, le diamant, ainsi que tout un éventail de minerais dont l’industrie indienne a besoin. Le chiffre d’affaires du commerce indo-africain s’élève à quelque 70 milliards de dollars et devrait, selon les prévisions, dépasser la barre de 100 milliards de dollars en 2015. L’Inde est loin derrière la Chine dont les échanges bilatéraux avec l'Afrique s'élèvent à 210,2 milliards de dollars.
L'Immeuble Dupont à Gurgaon, nouvelle ville située à la périphérie de New Delhi et dédiée aux affaires. Gurgaon accueillera en décembre le prochain sommet Inde-Afrique.AFP
Le secteur privé très actif aussi sur le continent
Si les autorités indiennes ont pris tardivement conscience du nouvel eldorado que représente le continent noir pour leurs investisseurs dans le contexte de la globalisation, les entreprises indiennes pour leur part ont pris langue avec l’Afrique depuis belle lurette. Le groupe indien Tata qui fait des affaires en Afrique depuis les années 1960 est souvent cité en exemple d’un engagement de longue haleine. Ce conglomérat a investi dans une très large gamme d’activités, allant de la sidérurgie aux télécommunications, en passant par l’hôtellerie et l’automobile.
Les investissements directs par les entreprises indiennes sont évalués entre 30 et 50 milliards de dollars, répartis sur un grand nombre de pays. Tata n’est d’ailleurs pas la seule entreprise indienne à prospérer en Afrique. Ce dynamisme du secteur privé indien en Afrique contraste avec l’engagement économique chinois porté par l’Etat et les entreprises publiques. « A la base, les investissements chinois ont souvent un mécanisme de négociation d’Etat à Etat, savamment orchestré autour des flux de financements, quand les investisseurs indiens sont mus avant tout par les agents privés », lit-on dans le rapport de l’AFD sur L’Afrique et les grands émergents, paru en 2013.
Une nouvelle impulsion
Entré en scène dans les années 2000, l’Etat indien tente d’encadrer les relations entre l’Inde et l’Afrique en les inscrivant dans une vision à long terme. Tel a été l’objectif des sommets indo-africains dont les deux premières éditions se sont traduites par l’annonce de grandes initiatives (ex : projet de réseau internet pan-africain, création de diverses institutions de formation professionnelle) et des engagements financiers sous forme de prêts dont le montant cumulé depuis 2008 s’élève à 10,4 milliards de dollars. Tout en assurant que l’Inde compte bien honorer les engagements pris par le précédent gouvernement, le nouveau pouvoir, de sensibilité ultralibérale, veut donner une nouvelle impulsion aux relations indo-africaines en orientant les investissements publics vers des secteurs qui offrent des opportunités à long terme aux entreprises indiennes. Il veut aussi rendre ces rencontres plus professionnelles. Le choix de tenir le sommet dans une ville dédiée au business et aux multinationales plutôt qu’à New Delhi, la capitale politique, témoigne du souci des dirigeants indiens de mieux capter les fruits de la croissance africaine.
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