CHINE AFRIQUE

POUR DES RELATIONS RESPECTUEUSES, AMICALES, FRANCHES ET FRATERNELLES

lundi 28 octobre 2013

LIVRE « LE JAUNE ET LE NOIR » : Tidiane Ndiaye raconte l’épopée « triomphale » de la Chine en Afrique

LIVRE « LE JAUNE ET LE NOIR » : Tidiane Ndiaye raconte l’épopée « triomphale » de la Chine en Afrique

Dans « Le jaune et le noir. Enquête historique » (Gallimard, Collec. « Continent Noirs », 2013, 180 p.), l’anthropologue et économiste franco-sénégalais, Tidiane Ndiaye, raconte l’« épopée triomphale » de la Chine en Afrique. Il montre d’abord que les relations entre le continent noir et l’empire du Milieu remontent bien avant la colonisation européenne. Dans un second temps, l’auteur se livre à une analyse décapante, sinon accablante, de la stratégie actuelle de « prédation », de « dévastation et de pillage » de l’empire du Milieu, qui s’apparente, selon Tidiane Ndiaye, au jeu de go dont le principe consiste à conquérir ou
à contrôler le maximum de territoires.
En l’espace de quelques décennies, l’Afrique qui, hier, était pour les Chinois, « le continent qui n’existe pas », est devenue l’un des plus importants partenaires de l’empire du Milieu. Au point où la Chine-Afrique s’est progressivement substituée à la nébuleuse Françafrique. En réalité, les relations siino-africaines remontent bien avant la colonisation européenne, à l’époque de la dynastie des Han et des missions d’exploration chinoises sur les côtes d’Afrique australe au XVe siècle. On apprend ainsi que le navigateur Zheng He a été le premier à longer les côtes d’Afrique australe (le 11 juillet 1405) bien avant que Bartolomeu Dias ne parvienne au Cap de Bonne-Espérance en 1488. « Il s’en est fallu d’un cheveu que l’Afrique soit chinoise », nous rappelle Tidiane N’diaye. La décision subite de l’empire du Milieu de se replier sur lui-même au milieu du XVe siècle mit fin à la possibilité que l’Afrique orientale devienne une colonie chinoise. Pourtant, les Chinois vont se servir du passif colonial des Occidentaux comme cheval de Troie à leur pénétration en Afrique…
Ayant définitivement rompu avec son isolement passé pour devenir un acteur à part entière de la mondialisation en usant d’une des armes les plus redoutables et les plus adaptées à notre époque (la puissance économique), la Chine s’est ainsi jetée sur l’« agonisante proie africaine, l’œil rivé sur ses matières premières, et, avec un dynamisme impressionnant, déploie sa stratégie globale visant à lui ouvrir de nouvelles zones d’expansion ». Quant à l’Afrique, lâchée par l’Occident, elle accueille ce « prédateur » en partenaire providentiel, fraternel et capable de tous les miracles. Le dragon à l’assaut de la proie africaine ! L’image est saisissante. Mais pour Tidiane Ndiaye, cette nouvelle coopération Chine-Afrique est plus animée par le principe du « donnant-donnant » que par celui du « gagnant-gagnant ». Le réalisme et le pragmatisme économique ont supplanté l’idéologie chez le partenaire chinois. Comme le dit Deng Xiaoping, « peu importe que le chat soit noir ou gris, l’essentiel est qu’il attrape la souris ».
Concernant l’aide chinoise, « elle s’insère dans un écheveau compliqué d’interventions, de relations et d’engagements mêlant logique opportuniste de l’intérêt et logique altruiste de don, dimension politique et dimension économique », écrit l’auteur. Pour autant, dans sa stratégie de « pillage organisé », la Chine continue de considérer l’Afrique comme « le continent qui n’existe pas ». Le vrai défi, pour les dirigeants africains, serait de réussir à contourner le « bilatéralisme déstructurant de ce monstre affamé, prêt à dévorer les proies faibles et isolées », dit-il. Pour Tidiane Ndiaye, le constat est sans appel : « l’offensive chinoise sur le continent est plus un facteur d’instabilité qu’une entreprise de développement ». Aussi, « lorsque ses intérêts économiques sont en jeu, s’accommode-t-elle parfaitement de régimes génocidaires comme au Soudan ». En d’autres termes, la Chine-Afrique ne serait que de la « prédation économique » par un « deal non regardant ».
Au total, Tidiane Ndiaye dépeint la stratégie chinoise en Afrique comme le mal absolu et pointe le risque d’une recolonisation (chinoise) du continent, tandis qu’il se livre, en parallèle, à une troublante relativisation des méfaits de la colonisation européenne en évoquant la construction de routes (au prix de combien de morts ?), d’écoles et l’élimination de certaines maladies. Peut-être, sans le vouloir, devient-il l’avocat le plus éloquent d’une Europe en perte de vitesse sur le continent. L’auteur a sans doute raison de dénoncer le « dumping forcené » des entreprises chinoises, l’inondation du marché africain de produits chinois de basse qualité et pour la plupart néfastes à la santé (dont des médicaments contrefaits), le rachat des terres arables africaines par des entreprises chinoises et le fait que, dans certains secteurs comme le textile, l’arrivée des Chinois a quasiment réduit à néant l’effort d’industrialisation des économies locales. Mais à force de vouloir noircir le tableau – il n’évoque aucun avantage de la coopération chinoise –, l’auteur fragilise son argumentation.
Il faut aussi nuancer l’affirmation selon laquelle la Chine ne s’intéresse qu’aux pays détenteurs de matières premières. Pékin a financé la construction d’infrastructures notamment sportives et culturelles dans des pays dépourvus de matières premières comme le Sénégal. Certes, les Chinois sont loin d’être des philanthropes, mais les dirigeants africains sont unanimes – et ils ne sont pas les seuls – à reconnaître que la coopération chinoise présente certains avantages notamment en souplesse et en rapidité. Au moment où les investissements de l’Occident sont de plus en plus rares et s’accompagnent de conditionnalités draconiennes. En définitive, c’est à l’Afrique de définir une stratégie globale, en jouant sur la diversité des partenaires, pour tirer un meilleur profit de ses matières premières.
Seydou KA

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